Sur le boulevard Sakharov à Moscou, là où, en décembre 2011, plus de cent mille personnes défilaient contre le pouvoir de Vladimir Poutine, une immense peinture murale s’impose au regard des passants. On y voit des piranhas affublés des couleurs du drapeau américain, nageant dans un mixeur dont la vitesse de broyage est poussée au maximum. Des centaines de mètres plus loin, sur le premier boulevard circulaire de la capitale, une photographie tout aussi imposante célèbre la mémoire des soldats de la Seconde Guerre mondiale. Là, le message est plus explicite: «Nous n’oublierons pas et nous sommes fiers.»
Jamais depuis la chute de l’URSS, l’opinion publique russe n’avait été autant saturée d’idéologie, comme à cette époque où les dirigeants soviétiques entendaient créer, par la magie du verbe, «un homme nouveau». S’il n’est plus question aujourd’hui de caresser une telle ambition, le principe de création d’un substitut idéologique agite néanmoins...