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Père abuseur: vivement critiqué, l’Etat annonce un changement de culture

Vivement critiqué pour son incurie dans l’affaire du père abuseur, l’Etat de Vaud a exprimé lundi ses «profonds regrets». Il a accepté toutes les recommandations du rapport Rouiller et annoncé «un changement de culture».

24 sept. 2018, 17:01
Le Professeur Claude Rouiller, droite, s'exprime aux cotes de Cesla Amarelle, la conseillere d'Etat vaudoise cheffe du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture, et Eric Kaltenrieder, gauche, président du Tribunal cantonal vaudois) lors d'une conférence de presse portant sur l'enquete que le Conseil d'Etat a confiée au Professeur Claude Rouiller.

Les 184 pages écrites par Claude Rouiller font trop souvent froid dans le dos. L’ancien président du Tribunal fédéral a présenté lundi son rapport sur l’affaire d’un père condamné en mars à 18 ans de prison à Yverdon-les-Bains (VD) pour avoir abusé de ses enfants.

Ce ne serait qu’un fait divers, même tragique, si cette famille n’avait pas été placée pendant près de 20 ans sous la protection de l’Etat, a souligné Claude Rouiller. Dès 1997, le juge d’Ormont-Dessous avait affirmé que les parents n’avaient pas les aptitudes psychologiques et intellectuelles pour s’occuper d’une famille.

Une curatelle éducative avait alors été décidée. Cette mesure, «la plus lénifiante», restera malheureusement la seule appliquée alors qu’il aurait fallu prendre des dispositions beaucoup plus énergiques et radicales, aboutissant à sortir les huit enfants (nés entre 1996 et 2014) de ce milieu «pernicieux». Un pas qui ne sera jamais franchi durablement.

Poussés dans l’abîme

En clair, le droit «sacro-saint» de la protection des enfants a été relégué au profit du droit des parents à leur réhabilitation éducative. Cette conception erronée est la cause de «l’abîme» dans laquelle les enfants ont été poussés, selon l’expression de Claude Rouiller.

Le constat de l’ancien magistrat est sans appel. «Les défauts organiques de l’action du Service de protection de la jeunesse (SPJ) sont graves et le lien de causalité entre ces défauts et le malheur des enfants X est incontestable», note le rapport.

Proactivité inexistante

A ces manques s’ajoutent les carences de la Justice de paix en sa qualité d’autorité judiciaire de protection de l’enfant (APEA). «L’implication insuffisante et la proactivité quasi inexistante de la Justice de paix sont les phénomènes les plus remarquables apparus dans cette affaire», ajoute Claude Rouiller.

Au lieu de sortir ces enfants de cette tragédie, ils ont été «maintenus pendant toute leur enfance et toute leur adolescence, par décision des autorités judiciaires et administratives chargées de les protéger, dans un milieu propice à la commission de tels actes».

«Que du feu»

Il aura en effet fallu attendre que l’aînée H de la famille, une fois majeure, aille dénoncer en juillet 2015 la situation au poste de police de la gare Lausanne pour que cela cesse. «Enseignants, éducateurs, collaborateurs de référence, puéricultrice, médecins, tous n’y ont vu que du feu», s’indigne Claude Rouiller, alors que, début 2004 déjà, «on avait discuté d’une suspicion d’abus sexuels.»

Au côté de l’ancien juge fédéral, la conseillère d’Etat Cesla Amarelle a tenu à souligner que le gouvernement vaudois était «touché, navré» par les souffrances infligées à ces enfants. Il exprime ses «profonds regrets» et a décidé d’imposer «un changement de culture» dans ses services afin qu’un tel drame ne se reproduise plus.

Mea culpa

Le Conseil d’Etat accepte ainsi toutes les recommandations proposées. Le plan d’action compte dix mesures au total, allant d’une Commission interdisciplinaire d’éthique et de protection à des visites inopinées dans les familles en passant par des cours obligatoires sur la prévention des abus sexuels.

Autre exemple: les offices régionaux de protection des mineurs auront désormais l’obligation de signaler à la direction du SPJ les cas réclamant une attention particulière. Même si cela paraît incroyable, le directeur du SPJ de l’époque affirme n’avoir jamais entendu parler pendant 20 ans de l’affaire de la famille X. «Je suis tombé assis, j’ai été sidéré» de découvrir ça au cours de mon enquête, a déclaré Claude Rouiller.

La justice a aussi fait son mea culpa. «Dans cette situation hors normes, le système a failli à sa mission de protection», a reconnu Eric Kaltenrieder, président du Tribunal cantonal. Il s’engage notamment à examiner la création de postes de juges de paix spécialisés dans la protection de l’enfant.

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