Nous sommes à bord du premier bateau de ligne 100% électrique suisse, le «Ceresio», un monodeck pouvant accueillir 240 passagers, construit en 1931. «Pour ses 90 ans, nous lui avons offert un nouveau cœur, constitué de 6,5 tonnes de batteries, jouissant de plus de six heures d’autonomie et rechargeables en une vingtaine de minutes, prolongeant ainsi sa durée de vie», sourit le manager stratégique de la Société de navigation de Lugano (SNL), l’ingénieur Gabriel Ramos, cravate et veste de sport.

Nous sommes convaincus que la transition énergétique passe par ceci.

Gabriel Ramos, manager stratégique de la Société de navigation de Lugano

Les poissons sont contents? «Absolument. Il n’y a plus de bruit, plus de pollution, plus de fumée. Nous avons réduit les émissions de CO2 à zéro.» Le «Ceresio» plaît aussi aux humains. «On nous appelle pour connaître ses trajectoires et ses horaires. Etre les first movers (les pionniers, ndlr) fait plaisir», admet Gabriel Ramos. Des demandes d’autres sociétés de navigations suisses leur sont arrivées. «Certaines sont plus titubantes, moins prêtes à faire le pas que d’autres. Mais en ce qui nous concerne, nous sommes convaincus que la transition énergétique passe par ceci.»

Développé avec la HES de la Suisse italienne

D’ailleurs, le projet baptisé Venti35 prévoit la conversion de toute la flotte de la SNL à la propulsion électrique d’ici à 2035. «Il s’agit d’un investissement important, soutenu par l’Office fédéral des transports et la Ville de Lugano, qui s’aligne avec les objectifs de la Confédération», fait valoir l’ingénieur.

D’où vient leur savoir faire? «Nous le produisons au fur et à mesure, avec nos partenaires; Baumüller et la Haute école spécialisée de la Suisse italienne (Supsi).» L’innovation technologique demeure un défi constant, confie-t-il. «Nous créons de nouvelles professions dans un domaine qui existe dans le secteur automobile, mais pas dans le nôtre: la mécatronique que nous adaptons à l’ingénierie maritime.»

Un logiciel créé par la Supsi permet de voir des données sur un écran au milieu du bateau. Par exemple, on peut y lire que depuis son inauguration – «très émouvante, avec 500 invités» – le 14 septembre dernier, le «Ceresio» qui peut aller jusqu’à 24 km/h, a parcouru 713 km et il a évité de brûler 1600 litres de carburant et de décharger quatre tonnes de CO2 dans l’atmosphère.

On aurait pu mettre un joystick, mais nous avons souhaité préserver notre héritage culturel.

Gabriel Ramos, manager stratégique de la Société de navigation de Lugano

Malgré les technologies de pointe, les boiseries et les banquettes originales sont restées. La barre circulaire en bois aussi. «On aurait pu mettre un joystick, mais nous avons souhaité préserver notre héritage culturel», souligne Gabriel Ramos.

Dans la cabine, faisant valoir que «le Ceresio est presque aussi paisible qu’un voilier», le capitaine, Tomaso Manchini, nous demande si on «veut vivre l’ivresse de sonner la sirène?». Nous sonnons trois coups courts pour signaler que l’on fait marche arrière. L’écho résonne sur l’eau.

En Romandie dès 2023

Et en Romandie, où en l’électrique sur l’eau? A Lausanne, la Compagnie générale de navigation sur le lac Léman (CGN) a entamé sur son site la construction d’un nouveau type de bateau – le Naviexpress – en partenariat avec le constructeur lucernois Shiptec, indique Mélanie Gay, coordinatrice des communications.

La première unité naviguera entre les rives françaises et suisses dès janvier 2023. «Le Naviexpress exprime l’ambition d’une desserte transfrontalière Suisse-France renforcée, plus flexible, plus efficace et avec un confort supérieur, ainsi qu’une réduction substantielle de l’impact environnemental des transports», explique-t-elle. Il naviguera en mode «tout électrique» jusqu’à 20 km/h, générant ni polluants, ni CO2, ni nuisances sonores aux abords des débarcadères.

Ces nouveaux bateaux seront compatibles technologiquement pour une transition énergétique vers l’hydrogène.

Mélanie Gay, coordinatrice des communications de la Compagnie générale de navigation sur le lac Léman

Elle relève que le trajet en bateau d’une personne générera 30 fois moins de rejets de CO2 que si elle faisait le même déplacement en voiture individuelle d’une part, et réduira les émissions de particules fines et de polluants atmosphériques NOx générées directement par les moteurs. «De plus, ces nouveaux bateaux seront compatibles technologiquement pour une transition énergétique vers l’hydrogène.»

Directeur général de la Société de Navigation des Lacs de Neuchâtel et Morat (LNM), Jean-Luc Rouiller souligne pour sa part que, selon les besoins spécifiques, la capacité de passagers, les durées et distances des trajets parcourus par les bateaux de ligne, la capacité des batteries est encore un point critique. «Le «Ceresio» de la SNL est une unité de petite taille, engagée sur des courses de faible distance, ce qui permet une motorisation tout électrique», observe-t-il.

Si cette option ne devait pas répondre à nos besoins spécifiques, nous nous tournerions alors vers une variante hybride.

Jean-Luc Rouiller, directeur général de la Société de Navigation des Lacs de Neuchâtel et Morat

En ce qui concerne la LMN, elle travaille sur un avant-projet d’acquisition de bateau et procède à une analyse de faisabilité du 100% électrique. «Si cette option ne devait pas répondre à nos besoins spécifiques, nous nous tournerions alors vers une variante hybride.»

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