Fils mal aimé, génie des mathématiques, le Britannique Alan Turing est le vainqueur des codes secrets nazis durant la seconde guerre mondiale, il est considéré comme le père de l'informatique moderne.
Le 23 juin, centième anniversaire de sa naissance à Londres, de nombreuses villes organisent conférences et expositions pour rendre hommage aux travaux d'un homme qui fait désormais figure d'Einstein des mathématiques mais qui fut de son vivant persécuté pour son homosexualité.
«Turing est sans doute la seule personne à avoir apporté des contributions qui ont changé la face du monde dans les trois types d'intelligence les plus fins: humaine, artificielle et militaire», écrivait la revue scientifique «Nature» dans un récent éditorial.
Empoisonné au cyanure
Turing est mort à l'âge de 41 ans, empoisonné au cyanure, après avoir été condamné en 1952 pour «outrage aux bonnes moeurs» en raison de son homosexualité, encore illégale en Grande-Bretagne à l'époque, et contraint à la castration chimique.
Certains pensent que le scientifique, réputé pour son excentricité, s'est suicidé en 1954 en croquant une pomme empoisonnée mais cela n'a jamais été formellement prouvé. Le mémorial qui lui est consacré près de l'université de Manchester le représente d'ailleurs assis sur un banc, tenant une pomme à la main.
Bases de l'informatique moderne
Turing sera parvenu à poser les fondations de l'informatique moderne, à définir les critères de l'intelligence artificielle, à déjouer les codes utilisés par l'armée allemande ce qui selon certains aura sauvé des millions de vies en écourtant la guerre. Et il a presque résolu une énigme biologique qui confond encore actuellement les chercheurs.
En 1936, Turing, qui avait annoncé vouloir «construire un cerveau», publie un article décrivant «la machine universelle Turing». Il était ainsi le premier à envisager de fournir des programmes à une machine sous forme de «données» pour lui permettre d'accomplir les tâches de plusieurs autres en même temps, à l'instar de nos ordinateurs.
Lorsqu'elle fut effectivement construite par d'autres scientifiques en 1950, la première version de l'Automatic Computing Engine (ACE) de Turing était le calculateur le plus rapide au monde.
«Casser» les codes nazis
«Inventer l'ordinateur est une contribution tellement immense que ça paraît bizarre d'en chercher une autre encore plus grande. Mais je suppose que sa contribution au décryptage» des codes nazis «a eu un impact encore plus grand sur le monde», déclare Jack Copeland, spécialiste des mathématiques qui a écrit plusieurs livres sur Turing.
Pour le grand public, le plus haut fait d'armes de Turing est en effet d'avoir réussi, avec son équipe, à «casser» les codes de la machine Enigma utilisés pour leurs communications par les sous- marins allemands croisant dans l'Atlantique Nord. Certains historiens estiment que ce coup de génie a précipité la chute d'Hitler, qui autrement aurait pu tenir un ou deux ans de plus.
Intelligence artificielle
Après la guerre, Turing explorera la question de l'intelligence artificielle et en définira les critères logiques, encore en vigueur aujourd'hui: le fameux «test de Turing» qui se fonde sur la faculté d'une machine à tenir une conversation.
Autrement dit, un ordinateur ne serait vraiment intelligent que si un humain n'est pas capable de faire la différence entre ses réponses à une question et celles d'un autre humain.
Passionné de biologie, Turing appliquera ses talents de mathématicien à la morphogenèse, ou comment les animaux et végétaux développent certains modèles de formes, comme les rayures du zèbre ou les taches d'une vache. Des théories sur lesquelles planchent encore aujourd'hui les chimistes.