Dix ans après l'incendie qui a ravagé 310 hectares de forêts au-dessus de Loèche (VS) (voir notre galerie photo), la flore a repris ses droits. Peupliers, bouleaux, saules se sont multipliés alors que les premières pousses de résineux apparaissent. Mais il faudra encore attendre 30 à 50 ans avant que les pins, mélèzes et sapins ne prennent le dessus.
Extraordinaire diversité
La recolonisation est plus lente que dans d'autres régions en raison de la sécheresse du climat valaisan, précise Thomas Wohlgemuth, directeur du projet "Loèche" à l'Institut fédéral de recherche WSL. En revanche, la diversité de la flore est extraordinaire. Une décennie après l'incendie, il y a 20 à 30 fois plus d'espèces qu'ailleurs.
"On compte jusqu'à 100 variétés de plantes par maille de 10 mètres sur 10 mètres étudiés par les chercheurs de l'institut", précise Thomas Wohlgemuth. Sur l'ensemble de la surface incendiée, il pousse environ 2500 arbres à l'hectare dont un dixième de résineux.
Les conifères ont une croissance plus lente, mais poussent plus haut que les arbres à feuilles. Avec le temps ils prendront le dessus et la fonction protectrice de la forêt sera restaurée.
Un paradis pour les insectes
Ce qui vaut pour la flore, vaut aussi pour la faune. Plus de 900 espèces d'insectes ont été répertoriées dans la zone incendiée. Les forêts voisines, non touchées par les flammes, en comptent deux fois moins et on y recense six fois moins d'individus par espèce, explique l'entomologiste du WSL Beat Wermelinger.
La colonisation par les insectes s'est faite très rapidement. Deux ans après l'incendie, le maximum d'individus était atteint. Pour Beat Wermelinger, "ce qui est considéré comme une catastrophe pour les humains est un miracle pour la nature".
Population craintive
L'institut fédéral doit beaucoup à la commune de Loèche. Thomas Wohlgemuth n'a pas caché la chance qui avait été donnée aux chercheurs de pouvoir analyser la recolonisation naturelle d'une forêt brûlée. "Nous avons beaucoup appris", a-t-il dit. De nouvelles données seront récoltées dans les cinq à dix prochaines années.
Mais laisser libre cours à la nature ne va pas sans poser problème. La population ne cache pas ses craintes avec la perte de la fonction protectrice de la forêt et n'a jamais compris pourquoi il n'a pas été possible de replanter des arbres, explique le président de Loèche et ancien conseiller national Roberto Schmid. Selon lui, les filets, barrages et autres installations de protection ne suffisent pas à apaiser les craintes. Et le million de francs qui sera prochainement investi pour améliorer et étendre ces ouvrages ne tempère que modérément cette peur.
De fait, il n'y a pas eu d'interdiction de replanter. Mais la philosophie est de laisser la nature faire son travail. Et replanter a un coût puisqu'il ne suffit pas de mettre des arbres, il faut encore implanter une installation d'irrigation.
Un des plus gros incendies de forêt
L'incendie, qui s'était déclaré le 13 août 2003 à 19h50, était intentionnel. Plus de 260 personnes avaient dû être évacuées. Les interventions avaient duré trois semaines pour des centaines de pompiers, militaires et membres de la protection civile.
L'incendiaire avait été arrêté en septembre 2004. Qualifié de pyromane compulsif, l'homme, âgé de 30 ans à l'époque, avait écopé de quatre ans de prison. Il avait reconnu 36 autres incendies commis depuis 1996. L'incendie de Loèche a été le plus important incendie de forêt recensé en Valais et un des plus importants de Suisse.