Disparu en 2016, Raymond Burki laisse derrière lui quelque 8000 dessins de presse. Parus pour la plupart dans les pages du «24 Heures» où il a officié durant 38 ans, ils illustrent un regard malicieux, une manière acérée et directe portée par la virtuosité du trait.

500 d’entre eux sont à voir à l’Espace Arlaud, à Lausanne, à travers une grande rétrospective qui retrace les étapes d’une carrière prolifique tout en montrant la diversité des sujets d’actu croqués par ce Vaudois à la bonhomie discrète et à la casquette légendaire.

L’image fait mouche sans un mot

«Le bonheur de Burki, c’est son universalité, sa grande lisibilité», commente Philippe Duvanel, commissaire de l’exposition. En un coup d’œil l’image fait mouche sans l’aide des mots.

Le climat a été une grande préoccupation pour le dessinateur. En 1990, il épinglait déjà le manque de neige à l’approche des vacances scolaires dans un style noir/blanc (avant l’arrivée de la quadrichromie) marqué par l’art de la hachure.

L’histoire mondiale, suisse et locale défile au prisme de la dérision, de l’ironie, de la révolte, de la drôlerie et de la tendresse. Ainsi, on s’émeut devant cet enfant en pleurs prêt à briser sa boule à neige sur une prairie vierge de flocons à l’approche des vacances de ski (1990).

La reine d’Angleterre après la mort de Lady Di. Dessin: Burki

Au rang des cibles régulières du trublion d’Epalinges: l’armée, les politiciens, l’argent. Sa verve satirique lui vaudra des lettres de lecteurs indignés, comme lorsqu’il coiffe la Reine Elizabeth II d’une carrosserie déglinguée à la mort de Lady Di ou qu’il affuble Delamuraz de rouflaquettes dans l’affaire des fonds juifs en déshérence (1997). Mais suites et poursuites ont été rares.

«Toujours incisif, jamais insultant»

Selon Jean-Philippe Jutzi, rédacteur en chef adjoint à «24 heures» de 1993 à 2003: «Burki était toujours incisif et piquant, mais jamais insultant ou blessant.» Pour preuve la sympathie que lui portaient nombre de caricaturés, tels Pascal Couchepin, Daniel Brélaz et son embonpoint hyperbolique ou Micheline Calmy-Rey dont le style capillaire lui valut de devenir la Cruella du Conseil fédéral.

Burki était toujours incisif et piquant, mais jamais insultant ou blessant

Jean-Philippe Jutzi, rédacteur en chef adjoint de «24 heures» de 1993 à 2003

Le bestiaire Blocher

Humaniste et facétieux, Burki avait ses marottes iconiques (Guillaume Tell, dame Helvetia, le coucou suisse), ses chevaux de bataille (le réchauffement climatique, le nucléaire, l’appétit des puissants), son bestiaire (avec Blocher tantôt en requin, en gorille, en cafard menaçant).

Dessin de 2013: cure d'amaigrissement à l'acupuncture pour le syndic Daniel Brélaz. L'homme a été croqué près de 160 fois par Burki.

Un livre et une plateforme numérique

C’est à ce sens des associations et à cet imaginaire toujours situé qu’invite l’exposition. Elle s’accompagne d’un livre intitulé «Aburkicédair» enrichi de textes signés Marie-Madeleine Gabioud et Jean-Philippe Jutzi. Et d’une plateforme (letrait.ch), où tous les dessins numérisés seront accessibles au public dès mars 2022 via une recherche multicritères. De quoi faire vivre durablement l’œuvre de cet artificier silencieux mais puissamment évocateur.

Informations pratiques

«Burki», Espace Arlaud, pl. de la Riponne 2bis, Lausanne. Jusqu’au 17 avril, me, je, ve 12h-18h ; sa, di 11h-17h. www.musees.vd.ch

L’Espace Arlaud accueille une grande rétrospective Burki

Exposition, livre, plateforme numérique: le trait humaniste et acéré de Burki est à l’honneur à Lausanne.