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La famille au bout du fusil

Chez les Bourguignon, on chasse de père en fils. Reportage.

23 oct. 2014, 06:31
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"Tu lâches tes chiens trop tôt!" lance Alain Bourguignon à Raymond, son frère aîné. "Tu étais prêt, si tu as tiré" , rigole ce dernier. Regroupés autour des voitures après une heure de traque passée dans les bois, les discussions vont bon train entre les trois membres de la fratrie Bourguignon. Leur fusil troqué contre une tasse de café, les chasseurs dissertent sur la première menée de la journée et la chevrette qui leur a échappé.

 

Le virus du grand-père

 

Il est 8h30. Tandis que la forêt s'éveille doucement, Raymond Bourguignon, ses frères Alain et Jean-Jacques, son fils Yves et ses petits-enfants se sont tous réunis en bordure d'une route forestière sur les hauteurs de Marchissy. L'effervescence est palpable, à commencer par les chiens qui ne cessent de gémir. Une petite procession en bottes, vestes kakis et casquettes oranges s'enfonce dans les bois parés de leurs couleurs automnales. Raymond part avec ses deux chiens "taper le gibier", comme il le dit lui-même. Tandis que les deux courants bernois vont déloger le chevreuil de sa tanière, les chasseurs se postent à différents endroits de la forêt suffisamment éloignés les uns des autres, pour tirer le gibier que les chiens auront levé. "C'est le coin du grand-père (ndlr. le père des frères Bourguignon). J'en ai vu venir à cette hauteur, alors poste-toi là" , lance Alain à son neveu Yves. Ce dernier est celui qui vient le moins souvent dans le Jura. Alain et Jean-Jacques se placent un peu plus loin. Le grand-père? "C'est lui qui nous a refilé le virus, raconte Jean-Jacques Bourguignon tout en mâchant son chewing-gum. Lors de sa dernière saison, il a tué quatre chevreuils avec autant de cartouches. Il avait 90 ans et revenait d'une grosse opération. Cela nous a tous scotchés!" Il regrette que la jeune génération tende à bouder la chasse. Un phénomène qu'il attribue à une société trop aseptisée: "Les antichasse nous traitent de tueurs. Ils souffrent du syndrome Bambi. Les gens sont déconnectés de la terre et achètent leur viande sous cellophane."

L'homme s'arrête soudain tout net, se retourne d'un éclair et pointe son fusil en direction des feuillages. Une silhouette s'évapore dans un bruissement fugace. "Vous avez vu? C'était un lièvre." Le temps passe, et la perspective de revoir un chevreuil dans cette zone s'éloigne. Les chasseurs décident donc de changer de coin.

Au tour de Jean-Jacques de mener la traque avec ses deux fidèles compagnons: Dac et Douddy. A peine lâchés que le plus petit des deux ne tarde pas à se manifester par des aboiements répétés. "Douddy donne très vite de la voix, quand il a repéré une odeur. Cela peut être du chevreuil comme du renard" , explique Jean-Jacques Bourguignon en se faufilant tant bien que mal à travers des bosquets très serrés, ceux-là mêmes qu'affectionnent les chevreuils.

 

Activité très réglementée

 

Plus haut sur une butte, Raymond se tient prêt, son fusil Merkel de 1974 posé sur l'avant-bras. Alors que les feuilles voltigent dans les airs à la faveur du vent qui se lève, l'homme posté devant un arbre semble apprécier le moment présent. "J'aime ces instants où l'on va en forêt et où on a le temps d'observer les différents biotopes." Même si elle paraît bucolique, l'activité n'en reste pas moins très réglementée. Pour pouvoir s'y adonner, il faut un permis demandant autant des compétences de tireur que des connaissances théoriques sur la faune et la flore. Celui-ci coûte la bagatelle de 800 francs pour un Vaudois (1600 francs pour un non-résident) et doit être renouvelé tous les cinq ans. A cela, il faut ajouter les coûts pour chaque type de bête que l'on veut abattre, soit de 200 à 400 francs supplémentaires.

Peu importe le prix pour les Bourguignon qui y voient surtout l'occasion de partager des moments privilégiés. "Je suis parti récemment avec mon fils en Valais, pour y chasser le chamois. Imaginez: un père et son fils seuls dans les montagnes, cela fait chaud au coeur" , raconte Raymond avec une pointe d'émotion dans la voix, avant de s'interrompre. En effet, voilà que les jappements de Dac et Douddy se font à nouveau plus perceptibles.

 

Un coup de feu résonne

 

Fausse alerte. "Les aboiements ne sont pas assez soutenus pour que cela soit du chevreuil" , fait-il remarquer presque en chuchotant. A peine a-t-il le temps de terminer sa phrase que retentit au loin une forte, mais brève détonation. Celle-ci est aussitôt suivie par la sonnerie de son natel. "C'est Jean-Jacques. Il a abattu un renard." Deux coups de corne viennent signifier la fin de la dernière menée de la matinée. Après la pause de midi, la petite troupe continuera à pister le gibier en plaine, en espérant avoir un peu plus de chance sans doute.

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