Plus jeune, plus inventive, plus attractive pour les familles, la dernière étude de Credit Suisse sur l’état économique de la Suisse romande tresse des couronnes à la partie francophone alors que les précédentes en relevaient la lourdeur des charges fiscales. Entretien avec Sara Carnazzi Weber, responsable des études thématiques auprès de la grande banque, qui l’a présentée hier à Lausanne.

Votre étude dépeint la Suisse romande comme un lieu de vie agréable pour les familles mais dont les salaires sont un peu inférieurs à ceux de Zurich et Bâle. Peut-on s’en tenir là?

Sara Carnazzi Weber: Depuis bien avant la pandémie, la Suisse romande connaissait un taux de croissance de son économie supérieure à la moyenne suisse, avec une forte capacité d’innovation. Certains cantons romands, le Jura, Fribourg et le Valais jouissent d’un attrait financier supérieur à la moyenne suisse. Cet attrait est même plus élevé pour les familles, étant donné les coûts des crèches inférieurs à la moyenne suisse, à quoi s’ajoutent des allocations familiales plus généreuses et des déductions fiscales plus élevées.

Pourtant, la Suisse romande a une fiscalité des personnes physiques plus lourde et des primes d’assurance maladie plus élevée. Est-elle quand même attractive?

Ces coûts sont compensés par les avantages offerts par les cantons de Fribourg, Jura et Valais principalement.

Les salaires ne sont pas l’unique critère de choix.

Sara Carnazzi Weber, responsable des études thématiques chez Credit Suisse

Les revenus du travail sont moins élevés, en moyenne, en Suisse romande qu’à Zurich et Bâle: avantage ou inconvénient?

Pour les gens qui y vivent, c’est évidemment un inconvénient. Mais pour une entreprise qui envisage de s’y installer, c’est clairement un avantage. Cet atout est aussi celui de la région dans laquelle l’entreprise envisage de s’installer. Néanmoins, les salaires ne sont pas l’unique critère de choix. Le niveau de qualification des personnes que vous recherchez est important lui aussi, ainsi que le niveau d’imposition des PME, où le Valais est particulièrement attractif.

Les entreprises romandes recourent moins au télétravail que les Alémaniques et s’en inquiètent, paradoxalement. Comment l’expliquez-vous?

Dans l’industrie et dans le tourisme, on ne peut pas télétravailler comme dans une entreprise de services! Plus de la moitié des entreprises romandes craignent que ces limitations ne freinent leurs efforts de recrutement de talents. Cela dit, l’offre de télétravail par rapport aux possibilités théoriques semble moins développée en Suisse romande que dans le reste du pays, ce qui nous amène à poser l’hypothèse d’un facteur culturel. Mais s’il est avéré, il est moins important que le facteur structurel.

Cinq cantons romands figurent parmi les dix cantons où se créent le plus de start-up.

Sara Carnazzi Weber, responsable des études thématiques chez Credit Suisse

La population romande est plus jeune que la moyenne suisse. Pourtant, on n’y crée pas plus d’entreprises qu’ailleurs. Pourquoi ce paradoxe, selon vous?

L’an dernier a vu une hausse des créations dans tout le pays, qui n’a pas été observée en Suisse romande. Cependant, les années précédant la pandémie, le taux de créations d’entreprises était plus élevé en Suisse romande qu’en moyenne nationale. De plus, cinq cantons romands figurent parmi les dix cantons où se créent le plus de start-up par rapport à la densité économique.

La Suisse romande risque-t-elle d’être affectée de manière différente du reste du pays par la hausse de l’inflation et le relèvement des taux d’intérêt?

Je ne vois pas de différence par rapport au reste de la Suisse. La hausse des taux d’intérêt aura évidemment des suites pour le marché immobilier: les régions connaissant des prix très élevés et où l’accessibilité des logements est très difficile subiront des effets négatifs plus prononcés que dans les régions plus facilement accessibles, où les ménages peuvent encore acquérir des logements. Cependant, les prix pourraient rester soutenus si l’immigration se maintient. Des activités économiques pourraient être particulièrement touchées, à commencer par le négoce des matières premières, qui recourt fortement au crédit. Cela pourrait affecter tout particulièrement la région genevoise.

L’institut de recherche économique BAK vient de réviser à la baisse ses prévisions de croissance pour l’économie suisse pour cette année. Comment pronostiquez-vous l’évolution à venir par la Suisse romande?

Nous ne disposons pas de chiffres cantonaux. Notre appréciation est que la Suisse romande n’a pas de raisons d’être plus impactée que le reste du pays ces prochains mois.

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