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Crise en Espagne: des salaires en chute libre

En Espagne, les salaires baissent depuis le début de la crise. Les entreprises menacent les employés: soit ils acceptent les conditions, soit ils sont licenciés. La recette semble fonctionner d'un point de vue économique, puisque le pays gagne en compétitivité.

23 nov. 2013, 11:40
Un plan social présenté mardi prévoit 149 suppressions de postes sur 466 salariés.

Face à un chômage touchant un actif sur 4 en Espagne, ceux qui travaillent ne sont pas épargnés et doivent accepter des salaires toujours plus bas.

La récente grève du personnel de nettoyage de Madrid, qui a transformé la capitale en poubelle géante, en est le parfait exemple. Les employés de la voirie s'opposaient au plan social supprimant 1100 postes sur 7000 et baissant les salaires jusqu'à 40%. Ils ont finalement obtenu qu'aucun licenciement ne soit prononcé, mais gagneront cependant moins d'argent, avec 45 jours chômés par an.

Mille euros, un luxe

Avec cette "épée de Damoclès", "les entreprises peuvent menacer facilement: ou tu acceptes ces conditions moins bonnes ou tu es viré", explique Fernando Luengo, professeur d'économie à l'Université Complutense de Madrid et membre du collectif de réflexion EconoNuestra.

Résultat: "il y a quelques années, en Espagne, on parlait des mileuristas", ces salariés peinant à s'en sortir avec 1000 euros par mois, "mais maintenant avoir 1000 euros de salaire, pour beaucoup de gens, c'est presque un luxe".

Pour vérifier cette tendance, les statistiques ne manquent pas, même si les chiffres varient suivant les critères (salaire net ou brut, par ménage ou par personne...). Selon l'Institut espagnol de la statistique (Ine), les revenus moyens par foyer ont chuté de 9,5% entre 2008 et 2012, et désormais 21,6% de la population risque de tomber dans la pauvreté.

Selon la branche études de La Caixa, les salaires ont fondu de 7,1% depuis 2010. La Fondation d'études d'économie appliquée (Fedea) calcule, elle, une baisse de 12% entre 2010 et 2012.

Gain de compétitivité

Dévaluation interne: tel est le terme qu'utilise le gouvernement conservateur pour qualifier ce processus, qu'il justifie par le besoin de gagner en compétitivité. Auparavant, "à chaque fois qu'il y avait un déséquilibre, il était toujours réglé en dévaluant la peseta", raconte Ignacio de la Torre, du cabinet de conseils Arcano. Maintenant, "comme on ne peut plus dévaluer la devise, la seule manière de rééquilibrer l'économie est de dévaluer les salaires".

Force est de constater que la recette, d'un point de vue économique, semble marcher: "l'Espagne est devenu un pays ultra-compétitif en salaires", estime le consultant, avec des travailleurs gagnant "un tiers de moins que la moyenne en zone euro".

En septembre, les exportations ont bondi de 8,3%, quatre fois plus que la moyenne en zone euro (2,1%). Dans l'automobile, les usines tournent à plein régime et décrochent de nouveaux modèles, souvent grâce aux accords de modération salariale noués avec les syndicats.

Consommation en berne

Avec cet "avantage de coût salarial", "il est raisonnable de penser que l'Espagne va devenir le centre essentiel de production de produits industriels milieu de gamme de l'Europe", estime l'analyste Patrick Artus, de Natixis, ce qui ferait du pays "la 'Chine' de l'Europe".

Le Fonds monétaire international, ravi, appelle à aller plus loin, suggérant qu'une baisse de 10% des salaires en deux ans ferait grimper le PIB de 5%. Mais socialement, "c'est une mauvaise nouvelle", note Carlos Obeso, directeur de l'Institut d'études sur le travail de l'Esade. "Il suffit d'aller dans la rue pour le constater."

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