Les bonus de plus de 3 millions de francs ne seront définitivement pas imposés. Le Conseil national a torpillé vendredi en votation finale, par 104 voix contre 87, ce projet qui aurait dû être soumis au peuple en tant qu'alternative à l'initiative populaire sur les salaires abusifs.
Les Vert'libéraux, qui avaient soutenu ce contre-projet direct au printemps, ont fait pencher la balance. Susanne Leutenegger Oberholzer (PS/BL) a fustigé le retournement de veste de leur président Martin Bäumle.
«C'est une manière de céder aux pressions des organisations économiques et de tromper ses électeurs. Les Vert'libéraux sont les sous-marins de la droite bourgeoise de la prochaine génération», a accusé la socialiste.
Le contre-projet direct aurait montré que le Parlement veut vraiment lutter contre les salaires abusifs, a plaidé en vain Daniel Vischer (Verts/ZH). «Mais la droite ne veut en réalité rien faire contre ces excès», a-t-il déclaré, accusant à son tour les Vert'libéraux d'être «inféodés à economiesuisse».
Viola Amherd (PDC/VS) a elle aussi fustigé les zig-zags du PVL. Le PDC s'est battu pour l'imposition des bonus, car le contre-projet indirect ne renforcera que les droits des actionnaires.
Pas une solution
La problématique des hauts salaires ne pourra être résolue par aucun des trois projets car c'est un problème international, a rétorqué Martin Bäumle (ZH), et il y aura toujours des moyens de contourner la réglementation. Le PVL a toujours été sceptique sur l'imposition des bonus car elle ne touche pas les managers. C'est juste un impôt de plus pour les entreprises, a dit le Zurichois.
Un avis partagé par le PLR, qui appuie le contre-projet indirect adopté par le Parlement, car il est supportable pour l'économie et il reprend 80% des revendications de l'initiative, a expliqué la cheffe du groupe Gabi Huber (UR). Selon les libéraux-radicaux, l'initiative n'a donc plus lieu d'être et l'imposition des bonus n'est qu'une «recette absolument populiste» qui impose les entreprises sans résoudre le problème.
L'UDC était sur la même longueur d'onde. Selon Adrian Amstutz (UDC/BE), l'initiative a poussé le Parlement à accepter un bon contre-projet indirect. Le rejet de l'imposition des bonus devrait pousser l'initiant à retirer son texte et permettre à la révision de loi adoptée d'entrer en vigueur.
Avant le National, le Conseil des Etats avait accepté l'imposition des bonus en votation finale, par 26 voix contre 14. Mais le rejet d'une des deux Chambres suffit à couler le projet.
Imposition des bonus
Ce texte prévoyait que les sociétés ne puissent plus considérer les parts de rémunération dépassant 3 millions par personne et par exercice comme charges justifiées par l'usage commercial. L'excédent aurait dès lors été imposé. Le peuple aurait dû choisir entre cette solution et l'initiative de Thomas Minder contre les salaires abusifs.
L'initiative mise essentiellement sur un renforcement du droit des actionnaires. Le Parlement a adopté, comme contre-projet indirect, une révision de loi reprenant, mais de manière plus souple, les principales revendications de l'entrepreneur schaffhousois.
Pas de retrait en vue
Ainsi, alors que l'initiative exige l'interdiction absolue de parachutes dorés et d'indemnités anticipées, la révision de loi laisse la porte ouverte à des exceptions. Elle ne pourra s'appliquer que si l'initiative est retirée ou rejetée et si aucun référendum n'est ensuite lancé contre la loi.
Ce n'est pour l'heure pas dans cette direction que l'on va. Rien ne laisse pour le moment présager d'un retrait de l'initiative, a dit à l'ats Claudio Kuster, secrétaire du comité d'initiative. Ce comité emmené par le conseiller aux Etats indépendant décideront de l'avenir de leur texte la semaine prochaine, a-t-il précisé.
Le comité conteste en outre les affirmations selon lesquelles le contre-projet indirect satisfait l'essentiel des points de l'initiative. Dans sa révision du droit des actionnaires, le Parlement n'a repris que cinq des 24 points du texte de Thomas Minder, a précisé M.Kuster. D'autres sont certes aussi pris en compte, mais pas dans le sens des initiants, même si toutes les portes ne sont pas fermées.