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Dans la peau de leurs héros nippons

Robots, lolitas et diverses créatures inspirées des bandes dessinées japonaises envahissent Montreux jusqu'à lundi pour le Polymanga. Reportage.

30 mars 2013, 10:00
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Une peluche jaune à taille humaine traverse le wagon. "Les Pokémons... et leurs mystères!" , chante un autre ado, la face peinturlurée de bleu, couronne futuriste rouge sur la tête. Deux filles à couettes roses, faux cils et talons compensés éclatent de rire.

Arrêt à Montreux. La foule déguisée joue des coudes, s'engouffre dans le passage sous-voie. "Tous ces jeunes vont-ils voir les marmottes des Rochers-de-Naye?" , interroge un homme âgé, dubitatif. Le Ninja qui passe à côté ne daigne pas lui expliquer que les gros rongeurs alpins n'intègrent pas vraiment son univers. Alors on se charge de relier les deux mondes. "Ils viennent ici pour le Polymanga. Un salon de manga qui ouvre ses portes ce vendredi."

Pas le temps de préciser qu'il s'agit de bandes dessinées et films d'animation japonais, dont il vient de voir un échantillon de personnages délirants.

 

Archers survoltés et marshmallows

 

La longue file s'habille de fiction, l'incarne jusqu'à faire abstraction de la pluie et des regards amusés des clients des hôtels cinq étoiles de la Riviera. "Quoi? Toi aussi tu aimes Bastian?" , s'exclame une adolescente au look gothique. "Il est à moi, on est unis pour la vie" , lui répond sa copine aux baskets ailées.

On laisse les deux jeunes filles se disputer leur héros - "un peu psychopathe, mais tellement charmant" - devant l'entrée du Centre de conventions de Montreux. Le salon romand de culture nippone a pris de l'ampleur ces dernières années. Les organisateurs lui ont préféré un écrin plus grand que le Palais de Beaulieu de Lausanne. L'Auditorium Stravinski, le Miles Davis Hall et les autres salles devraient contenir davantage que les 20 000 visiteurs de l'édition précédente.

Tentative pour se faufiler dans la bâtisse. On évite deux archers torses nus qui se poursuivent dans les escaliers en hurlant. Un brin régressive, cette culture manga? L'impression se confirme en salle de presse, où marshmallows, brownies et assiettes de pipas garnissent les tables. On ne va pas se laisser tenter. Esquiver d'autres personnages de jeux vidéos survoltés dans les couloirs pour accéder à l'épicentre, vaste hall rempli de gadgets kitschs. Une inquiétante peluche vaguement féline trône au sommet d'autres formes rondes avec des yeux rouges.

Maki 20 ans, serre un nounours dans ses bras, l'air triste. La Lausannoise, un oeil blanc de zombie et du sang sur la peau, adore ces grands rendez-vous de manga pour laisser libre cours à sa créativité. "J'ai inventé ce personnage un peu gore. C'est génial de se montrer original sans qu'on nous juge. Il y a de tout dans le manga, chacun trouve son style!"

Des amies au style plus fleur bleue, apprécient aussi cette liberté. "J'aime m'habiller en lolita au quotidien mais il y a le regard des gens... Dans les conventions ce n'est pas comme ça. La culture japonaise est plus ouverte" . Laureen est venue de France voisine. "La communauté manga est vaste, mais il manque des lieux de rencontre. Les contacts se font surtout sur les réseaux sociaux" .

Dans l'espace dédié au jeux vidéo, un héros est frustré de ne pas pouvoir sortir son épée, cadenassée à son fourreau. "Le règlement nous l'interdit, pourtant, qui serait assez stupide pour tuer devant autant de témoins?" , plaisante le guerrier valaisan. D'autres créatures se ruent à la séance de dédicace d'une star japonaise. Un robot se réjouit des concerts du week-end. Une princesse participera aux ateliers de dessin et d'origami.

 

Le regard d'un Japonais

 

On avale plutôt des sushis. Agression au wasabi. Faire comme si de rien n'était, un chevalier teutonique guette, prêt à se moquer. D'ailleurs, en quoi reflète-t-il la culture nippone celui-là?

Plus loin, Tatsuki, créateur de mode japonais, avoue que ces conventions manga reflètent surtout les fantasmes de l'Occident sur son pays. "Au début, ça m'agaçait un peu. Le Japon est si inaccessible pour les Européens qu'ils s'en font une fausse idée, y collent n'importe quoi. Mais au fond, cet imaginaire permet aux jeunes de s'exprimer sans s'enchaîner à des codes. Le Japon ferait bien de s'en inspirer pour se libérer un peu des siens!

Jusqu'à lundi. Infos: Polymanga.com

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