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Les gaveurs d'oie français disent avoir mis le bien-être de l'animal au second plan

Des producteurs français de foie gras ont récemment reconnu ne pas avoir tenu compte des souffrances de l'animal pour privilégier leur production.

09 déc. 2013, 10:54
Farmer Eric Degert uses an automatic force-feeder in a poultry farm for ducks in Clermont, southwestern of France, Friday, March 3, 2006. Foie gras, the sinfully rich French delicacy decried as a travesty by detractors, faces a new challenge as the bird flu scare cuts into sales.(AP Photo/Bob Edme)

"On est peut-être allés trop loin". Les producteurs français de foie gras reconnaissent eux-mêmes que le bien-être animal est longtemps passé au second plan. Mais aujourd'hui, face aux attaques, ils tentent de redorer leur blason.

"Dans les années 80, 30 à 35% des foies gras venaient des pays de l'Est. Il fallait améliorer la production pour être plus compétitifs et on est peut-être allé trop loin", déclare Marie-Pierre Pé, déléguée générale du Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (Cifog) français.

C'est de cette époque que datent les cages individuelles notamment décriées aujourd'hui dans lesquelles les animaux sont immobilisés, sans possibilité de se lever ou battre des ailes, pendant les 10 à 15 jours où ils sont gavés.

Face aux campagnes antigavage, le Cifog tente depuis peu une nouvelle posture: la "transparence". "C'est sûr que le gavage n'est pas très romantique alors on évitait d'en parler, mais là on va 'l'expliquer'".

Journée mondiale contre le foie gras

Rendez-vous est pris dans le Gers (sud-ouest). Entre deux visites, Marie-Pierre Pé répond aux sollicitations des autres médias. Car, ironie du sort, cet effort de "transparence" coïncide avec la première journée mondiale contre le foie gras et des happenings organisés sur les Champs Élysées ainsi que devant des ambassades à l'étranger.

Car la France est le premier consommateur et producteur au monde de cette viscère (avec 75% de la production mondiale).

L'association L214 Éthique & Animaux, qui pilote la campagne Stop Gavage, le martèle: "quand on sait (comment il est produit), on arrête" d'en manger.

Gavage "artisanal"

A flanc de colline, Pierre Pérès raconte comment il travaille. Avec son frère jumeau, ils élèvent près de 30'000 canards par an et en gavent 9000 durant la même période, sur une ligne de gavage de 400 places. Une production considérée comme artisanale.

Eux ne sont pas forcément représentatifs de la majorité des élevages: leurs canards sont gavés dans des parcs où ils peuvent circuler, le gaveur prend sur sa cuisse chacun des animaux pour lui enfoncer dans la gorge une sorte d'entonnoir relié à un tuyau qui décharge la dose de maïs, 250 grammes en début de gavage, 500 grammes à la fin. "Les meilleures conditions qu'on puisse trouver".

Mais ce n'est pas toujours le cas. Et s'il y a en France entre 1000 et 1500 exploitations artisanales, la plupart (5000) sont industrielles. Ce sont elles que visent surtout les associations de protection des animaux.

Animaux blessés

La visite d'un atelier d'un producteur Euralis vous fait ressortir groggy. Cet éleveur dispose d'une chaîne de gavage de 1000 canards. Il s'en occupe tout seul.

Les animaux sont par trois dans des cages surélevées à hauteur d'homme pour faciliter le travail de l'éleveur. Sous les cages coulent des rivières de fiente, jaunâtres, dont l'odeur âpre, mélangée à celle de la graisse de canard, prend à la gorge.

Dans la première cage, les animaux, blessés, saignent légèrement. Dans une autre, un canard est mort.

"Distancier le côté émotionnel"

Un moment éprouvant pour le visiteur. Mais il faut "distancier le côté émotionnel", assure Xavier Fernandez, chercheur à l'Inra Toulouse (Institut de la recherche agronomique).

"Il ne faut pas faire d'anthropomorphisme. Le canard n'est pas constitué comme un humain: son oesophage est élastique, quand le nôtre est constitué de cartilage", affirme la déléguée de la profession.

La clé d'"un bon gavage" pour les éleveurs, c'est de préparer l'animal en procédant à un pré-gavage de deux semaines et de "respecter la digestion", en palpant l'animal pour vérifier qu'il a bien digéré.

Mais surtout, l'obligation de passer à partir du 1er janvier 2016 à des cages collectives, dans lesquelles l'animal peut interagir avec les autres et déplier ses ailes, devrait améliorer un tant soit peu les choses.

Reconnaître la sensibilité des animaux

Reste le débat de fond, "la vraie question: est-ce qu'on veut ou pas élever des animaux pour les consommer ?", relève le chercheur de l'Inra. L214 plaide pour un monde sans viande où les animaux sont reconnus comme des êtres sensibles, et dénonce aussi l'élevage porcin ou de poulets en batterie.


 
 
 
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