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Une œuvre de Le Corbusier émerge de l'oubli à Bagdad

Dessiné par l'architecte chaux-de-fonnier Le Corbusier, construit sous Saddam Hussein puis tombé dans l'oubli: c'est l'étrange destin du Gymnase sportif de Bagdad, auquel l'Irak s'efforce aujourd'hui, avec l'aide de la France, de rendre ses lettres de noblesse.

20 avr. 2012, 07:03
gymnase_le_corbusier_afp_tv

Situé dans l'est de la capitale, ce monumental vaisseau amiral de  béton a étonnamment bien résisté aux décennies de bouleversements -  guerres, sanctions, violences - que vient de traverser l'Irak.

Commandé en 1957 par un pays alors ouvert sur le monde et riche  de son pétrole, le Gymnase ne représente qu'une petite partie de la  vaste Cité olympique un temps projetée. Le Corbusier, considéré  comme l'un des plus grands architectes du XXe siècle, est alors au  faîte de sa gloire.

Mais la révolution irakienne de 1958 met le projet en sommeil.  Saddam Hussein, féru d'architecture, l'en tirera en 1980. Le Gymnase  sera achevé deux ans plus tard, bien après la mort de son concepteur  (1965), mais sous l'égide d'un de ses anciens associés, Georges-Marc  Présenté, qui veillera à la stricte application de ses principes.

Très impliqué

Charles-Edouard Jeanneret, dit Le Corbusier, s'était fortement  impliqué dans le projet de Bagdad, pour lequel il avait «signé  personnellement quelque 500 croquis», souligne Mina Marefat,  historienne de l'architecture basée à Washington.

«Le plus étonnant à propos de l'oeuvre de Le Corbusier à Bagdad  est qu'elle ait reçu si peu d'attention de la part des  spécialistes», constate-t-elle.

Après un voyage à Bagdad en 1957, l'architecte avait reçu le feu  vert le 13 juillet 1958, soit la veille du coup d'Etat militaire qui  allait faire chuter la monarchie irakienne. Il fut «extrêmement  déçu» de la remise en cause de son projet, selon elle.

Sportifs irakiens et soldats américains

Une fois bâti, le Gymnase a accueilli des «générations de  sportifs irakiens», basketteurs, volleyeurs et gymnastes et nombre  de compétitions internationales, note son actuel directeur, Wasfi al- Kinani.

Cet âge d'or s'achève dans les années 2000. En 2003-2004, le  gymnase est occupé par l'armée américaine. A son départ, le sport  reprend en pointillés à cause des violences confessionnelles qui  déchirent le pays.

Caecilia Pieri, chercheuse à l'Institut français du Proche-Orient  (Ifpo), découvre le Gymnase en 2005 lors de repérages pour sa thèse,  consacrée à l'architecture moderne à Bagdad. Elle décide de  contacter la Fondation Le Corbusier en France.

Celle-ci «n'avait pas de photos récentes. C'est une oeuvre  posthume et les chercheurs n'avaient pas accès à l'Irak», explique-t- elle.

Il en naît un projet franco-irakien de publication et de colloque  sur le Gymnase, actuellement en cours d'élaboration entre la  Fondation, l'Ifpo, l'Université de Bagdad, l'Unesco, et l'ambassade  de France.

Renaissance

Mme Pieri, qui, de voyage en voyage, a assisté à la rapide  dégradation architecturale de Bagdad en raison des violences, de la  paupérisation et des errements de la reconstruction, y voit le signe  d'un «petit frémissement» en Irak.

«Après tous ces bouleversements, on assiste à la renaissance d'un  mouvement de conscience autour du patrimoine moderne», souligne-t- elle.

Mais pour l'heure, rien n'est simple, admet-elle. Malgré ces  démarches, le Gymnase, en rénovation depuis un an, s'éloigne de la  vision du maître. Sur ses gradins ont fleuri d'incongrus sièges de  couleur vive, dans les vestiaires, des faux-plafonds bloquent la  «lumière zénithale», et les abords du bâtiment sont encombrés de  constructions récentes.

Du moins la façade extérieure du Gymnase arbore-t-elle toujours,  gravés dans le béton, les symboles fétiches de Le Corbusier et son  credo: «Là où naît l'ordre, naît le bien-être».

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