En décidant de diffuser sur les réseaux sociaux des photos de jeunes disparus, la police de Washington était loin d'imaginer que cela déclencherait une folle rumeur sur fond de tensions raciales. Les "fake news" se sont propagées comme une traînée de poudre.
Les avis de recherche officiels ont été mis en ligne sur Twitter autour de la deuxième semaine de mars: ils concernent quelques adultes mais surtout des adolescents et des adolescentes. Les filles sont majoritairement des Afro-Américaines souvent âgées de 13 à 15 ans. Pour chacune est mentionné le dernier endroit où elle a été vue.
We need to make some noise about our missing black and latinx girls in the #DC area! Where are our babies? #FindOurGirls @MSNBC @CNN pic.twitter.com/doYd63AQRC
— Be A King (@BerniceKing) 24 mars 2017
La police municipale de la capitale américaine a expliqué avoir choisi une stratégie dynamique de recours à Internet "afin de capter immédiatement l'attention du public pour les jeunes portés disparus".
Cet objectif peut sembler avoir été atteint si on considère le tumulte généré par ces tweets, agrégés ensemble et repostés des centaines de milliers de fois. Les choses ont dévié vers les "fake news" quand les échanges ont commencé à évoquer des enlèvements ou encore la traite des êtres humains.
Panique générale
L'émotion a été portée à son comble par un message publié sur Instagram annonçant faussement: "14 filles noires ont disparu à DC en 24 heures". Dès lors les réseaux sociaux se sont emballés, cette affirmation erronée se propageant comme un feu de paille avec les mots clés #BringBackOurGirls (Ramenez nos filles), #missingDCgirls (les filles disparues de DC) ou #Findourgirls (Retrouvez nos filles).
Plusieurs joueurs des Washington Wizards, l'équipe de basket-ball de la capitale fédérale, ont également repris sur leur compte Instagram la fausse information, lui offrant une formidable caisse de résonance. Ou encore Chris Paul, autre vedette de la NBA des Los Angeles Clippers, dont le compte Twitter a 6 millions d'abonnés, relève 20 Minutes.
Our girls need our protection and love. Let's stay vigilant and keep our kids safe. #StayWoke pic.twitter.com/Q4hlsUFAtU
— Chris Paul (@CP3) 24 mars 2017
"La traite des êtres humains et l'esclavage sexuel sont omniprésents. Ne présentez pas nos disparues de Washington comme des fugueuses afin d'éviter de les rechercher", a même tweeté Bernice King, la fille de révérend Martin Luther King.
Sex trafficking/slavery is pervasive in the U.S. and world. Don't label our #missingDCgirls as runaways and not search. #FindOurGirls pic.twitter.com/NtV5RdsMfE
— Be A King (@BerniceKing) 24 mars 2017
Le Metropolitan Police Department de Washington s'est donc retrouvé dans l'oeil du cyclone. Une réunion publique organisée la semaine dernière dans un quartier noir a été houleuse. Les Noirs représentent le premier groupe de population de la capitale avec 48% des habitants, devant les Blancs (36%) et les Hispaniques (10%).
Enlèvements rarissimes
Le groupe des élus noirs du Congrès a de son côté demandé que le FBI s'implique dans les recherches. Le ministre américain de la justice Jeff Sessions est au courant de la requête, selon son porte-parole.
Accusées de chercher à dissimuler un scandale ou de ne pas en faire assez, les autorités de Washington ont tenu vendredi une conférence de presse. "Le nombre de personnes portées disparues n'augmente pas", a assuré Chanel Dickerson, responsable de la jeunesse au sein de la police municipale.
Les statistiques montrent en effet une relative stabilité du nombre de mineurs portés disparus à Washington (autour de 2200 à 2400 chaque année). Mais les enlèvements sont rarissimes par rapport aux fugues. Environ 95% des dossiers sont clôturés, les personnes étant localisées ou rentrées chez elles.
Depuis le début de l'année à Washington, sur 523 disparitions de mineurs ayant fait l'objet d'une enquête, seulement 13 restent non résolues.
La maire de la ville, Muriel Bowser, a cependant annoncé vendredi la création d'une unité spéciale chargée de déterminer l'aide sociale dont pourraient bénéficier les enfants fugueurs. Elle a promis de renforcer le nombre de policiers spécialisés dans la recherche des disparus.