La cour d'appel de Paris a confirmé mercredi le licenciement de la salariée voilée de la crèche privée Baby Loup. Cette décision survient alors que la France défendait devant la Cour européenne des droits de l'homme sa loi interdisant le port du voile intégral dans les espaces publics.
La Cour de cassation avait suscité un vif émoi chez les défenseurs de la laïcité en annulant le 19 mars le licenciement en 2008 de l'ex-directrice adjointe de l'établissement de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) qui refusait de retirer son voile. Le parquet général avait demandé la confirmation du licenciement, invitant la cour à résister à cet arrêt.
"C'est une décision qui fait preuve d'un grand courage et qui résiste à une précédente décision de la Cour de cassation", s'est réjoui l'un des avocats de la crèche Baby Loup. "Aujourd'hui, une institution républicaine réaffirme la force du principe de laïcité."
Atteinte aux "racines"
Ce nouvel épisode ne devrait toutefois constituer qu'une nouvelle étape de ce conflit, la femme ayant déclaré avant la décision en appel qu'elle se pourvoirait en cassation. Michel Henry, son avocat, a estimé qu'une partie de la haute magistrature se sentait "atteinte dans ses racines par la montée du fait religieux".
Dans son arrêt, la cour d'appel reconnaît à la crèche le droit de se doter d'"un règlement intérieur prévoyant une obligation de neutralité du personnel" pour "transcender le multiculturalisme des personnes auxquelles elle s'adresse", "même si cette exigence ne relève pas de la loi".
Elle invoque la Convention de 1989 relative aux droits de l'enfant qui impose de protéger la liberté de pensée, de conscience et de religion à construire pour chaque enfant.
Paris se défend devant la Cour européenne
Cette décision de justice a été prise alors que la France défendait mercredi devant la Cour européenne des droits de l'homme sa loi interdisant le port du voile intégral dans les espaces publics, au nom de la sécurité et de l'égalité entre hommes et femmes.
La juridiction du Conseil de l'Europe examinait la requête d'une jeune musulmane de nationalité française qui estime que l'interdiction de revêtir une burqa ou un niqab viole ses droits à la liberté de religion, d'expression, de réunion et au respect de sa vie privée.
Discrimination ou effacement
"Le port du voile intégral ne se heurte pas seulement à l'identification d'une personne, il la rend indiscernable d'une autre personne qui porte ce vêtement, il entraîne l'effacement de la femme qui le porte", a affirmé à Strasbourg la représentante du gouvernement français, Edwige Belliard.
Au contraire, pour Ramby de Mello, avocat britannique de la requérante, la loi pose un problème de "discrimination reposant sur le sexe, l'ethnicité et la religion".
Interdit au Tessin
En Suisse, le Tessin a été le premier canton à interdire le port du voile dans l'espace public. Les citoyens du canton transalpin ont accepté le 22 septembre de modifier la constitution cantonale en ce sens. Les musulmanes peuvent toutefois continuer à porter le niqab dans les lieux religieux.
En prohibant le port du voile, le Tessin suit l'exemple de la France et de la Belgique. Toutefois, l'interdiction ne change presque rien pour le canton, où quasiment personne ne porte de voile religieux.