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France: quatre ans après l'attentat, le journal satirique Charlie Hebdo se sent abandonné

C'était il y a quatre ans. Deux terroristes attaquaient les locaux du journal satirique hebdomadaire Charlie Hebdo et tuaient 12 personnes. Aujourd'hui, l'équipe se sent abandonnée et fait face à une situation déficitaire.

05 janv. 2019, 09:22
La Une qui commémore les quatre ans de l'attentat reprend celle de la semaine qui a suivi l'attaque en 2015.

Quatre ans après l'attentat contre Charlie Hebdo, "beaucoup se sont déjà lassés" des combats du journal satirique. Amer, l'hebdomadaire dresse le portrait sombre d'une société française "anti-Lumières" dans un numéro commémoratif en kiosque ce samedi.

La couverture de ce numéro spécial montre sur fond noir un évêque et un imam soufflant sur la flamme d'une bougie, dont la lumière éclaire le dessin qui avait fait la une du numéro historique du 14 janvier 2015, "Tout est pardonné".

Ce ne sont pas seulement nos histoires personnelles (qu'on oublie), c'est aussi ce qu'a signifié ce qui nous est arrivé.
Riss, directeur de la rédaction

 

"Ce ne sont pas seulement nos histoires personnelles (qu'on oublie), c'est aussi ce qu'a signifié ce qui nous est arrivé. On a l'impression qu'on tourne le dos à ça, alors qu'à notre avis ces phénomènes de réactions rétrogrades sont toujours présents, encore plus qu'il y a 4 ou 5 ans", explique à l'AFP Riss, directeur de la rédaction et auteur du dessin en Une.

"Ce n'est plus uniquement une hostilité qui vient d'extrémistes religieux mais aussi d'intellectuels", s'inquiète-t-il.

"Vous êtes encore là?"

Dans un édito coup de poing, intitulé "Vous êtes encore là?", il déplore que "depuis quatre ans, la situation à l'égard du totalitarisme islamiste n'a fait que se dégrader. Comme la créature d'Alien qui pond ses oeufs sans interruption, le blasphème a fait des petits. (...) Tout est devenu blasphématoire".

Hormis l'édito, le numéro spécial fait peu mention de l'attentat du 7 janvier 2015 au cours duquel deux islamistes radicaux avaient tué 12 personnes (11 dans les locaux du journal, qui a depuis déménagé), parmi lesquelles des figures emblématiques comme les dessinateurs Cabu, Wolinksi, Honoré, Tignous, l'ex-directeur de la rédaction Charb et l'économiste Bernard Maris.

 

Sur la double page centrale, un dessin de Juin montre des "obscurantistes" en train de célébrer l'anniversaire de l'attentat: on y voit notamment le Pape, plusieurs membres de la famille Le Pen, Dieudonné, Eric Zemmour, Donald Trump, l'animateur TV Cyril Hanouna ou encore l'écrivain Michel Houellebecq, que l'hebdo avait caricaturé en Une du numéro du 7 janvier 2015.

"Que le dernier qui s'en va éteigne les Lumières en partant, même s'il n'y voit rien...", écrit le journaliste Philippe Lançon, primé cette année pour "Le Lambeau", livre dans lequel il raconte sa reconstruction après l'attentat.

A lire aussi : Prix Femina à Philippe Lançon, rescapé de Charlie Hebdo, pour «Le lambeau»

"À Charlie, dans notre modeste petite maison francophone, les frères K. ont essayé d'éteindre les lumières, avec et sans majuscule, en entrant puis en sortant. Ils ont failli réussir, mais ils ont tout de même oublié quelques lampes", poursuit-il.

Coûts sécuritaires exorbitants

Du côté judiciaire, l'enquête est close et un procès devrait avoir lieu en 2020. Le journal a salué la récente arrestation de Peter Cherif, djihadiste proche des frères Kouachi dont le nom est cité dans l'enquête mais qui n'est toutefois pas visé par un mandat d'arrêt dans le cadre de l'attentat.

 

Si le procès est très attendu par l'équipe du journal, "on n'est même pas sûrs que, une fois ce parcours judiciaire achevé, nous retrouverons une vie normale", souligne Riss.

L'année passée, le journal avait déploré les coûts exorbitants de sa protection, de plus d'un million d'euros par an entièrement à sa charge. La situation n'a pas évolué même si entre-temps des responsables du gouvernement ont reçu l'équipe de Charlie pour tenter d'améliorer la situation, explique Riss.

Journal déficitaire

Si le journal se vend encore plutôt bien, avec 30'000 ventes en kiosques et 30'000 abonnements, il était déficitaire en 2017 selon des chiffres publiés par BFM Business.

"On a fait en sorte de réduire les charges", indique Riss, qui cherche également à faire entrer de nouveaux actionnaires pour notamment préparer sa succession : "il faut qu'ils soient prêts parce que la tâche n'est pas simple", prévient-il.

Son souhait pour 2019? "Continuer à faire réfléchir nos lecteurs, leur donner de l'espoir, les rendre combatifs, car il ne faut pas qu'on soit dans la sinistrose ou la déprime même s'il y a des choses qui nous inquiètent".

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