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Haïti: "Bébé Doc" mort samedi sans avoir été jugé

Jean-Claude Duvalier, dit "Bébé Doc" est mort samedi à 63 ans à Port-au-Prince. L'ancien dictateur qui a régné d'une main de fer sur Haïti n'a pas eu le temps d'avoir été jugé.

05 oct. 2014, 13:57
L'ancien dictateur haïtien Jean-Claude Duvalier, dit "Bébé Doc" et qui avait dirigé son pays d'une main de fer avant de s'exiler en France, est mort samedi à Port-au-Prince. Il avait 63 ans. Son décès intervient ainsi avant que son pays ait pu le juger pour crimes contre l'humanité.

L'ancien dictateur haïtien Jean-Claude Duvalier, dit "Bébé Doc" et qui avait dirigé son pays d'une main de fer avant de s'exiler en France, est mort samedi à Port-au-Prince. Il avait 63 ans. Son décès intervient ainsi avant que son pays ait pu le juger pour crimes contre l'humanité.

"La famille nous a téléphoné ce matin pour envoyer un hélicoptère-ambulance après son malaise cardiaque, nous n'avons pas eu le temps de le transporter, on a essayé de donner des soins sur place puis on a constaté le décès", a déclaré à l'AFP la ministre haïtienne de la Santé Florence Guillaume Duperval.

Dans une première réaction officielle, le président haïtien Michel Martelly s'est dit "attristé" par le décès de M. Duvalier. Il a adressé ses condoléances "à sa famille, à ses proches et à ses partisans à travers le pays". Aucun dirigeant n'avait réagi à la nouvelle plusieurs heures après son décès.

Privés de procès

L'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch a déploré samedi que la justice haïtienne n'ait pas pu juger "Baby Doc" avant sa mort. "Cette mort prive les Haïtiens de ce qui aurait pu être le plus important procès pour les droits de l'homme de l'histoire du pays", a-t-elle affirmé.

Jean-Claude Duvalier, 63 ans, dont les avocats soulignaient régulièrement la frêle santé, vivait retiré dans un quartier huppé des hauteurs de Port-au-Prince depuis son retour surprise au pays en 2011. Devant la maison où il est décédé samedi, pas de fleurs ni d'attroupement. Personne pour répondre aux questions de quelques photographes.

19 ans de dictature

Il avait été surnommé "Bébé Doc", après avoir hérité du pouvoir de son père François Duvalier en 1971, à l'âge de 19 ans. Il devenait ainsi le plus jeune chef d'Etat du monde. Il s'était alors déclaré président à vie avant d'être renversé en 1986 par une révolte populaire soutenue par la communauté internationale.

Comme son père, Jean-Claude Duvalier a dirigé son pays d'une main de fer, muselant l'opposition, arrêtant les dissidents en s'appuyant sur la milice paramilitaire des "Tonton Macoute".

Il était revenu à la surprise générale en Haïti en 2011 après avoir passé 25 ans en exil en France. Accueilli par de nombreux partisans nostalgiques, il avait alors déclaré être revenu pour "aider le peuple haïtien".

Tortures

Depuis son retour, de nombreuses plaintes ont été déposées contre lui, pour arrestations illégales, tortures, emprisonnements et exil forcé de ses opposants mais aussi détournements de fonds lors de ses quinze années à la tête du pays le plus pauvre des Amériques. Aucun procès n'a pu être organisé jusque-là.

Les autorités d'Haïti estiment que plus de 100 millions de dollars ont été détournés sous le couvert d'oeuvres sociales jusqu'à la chute en 1986 de "Baby Doc". Ces prélèvements systématiques sur des entreprises d'Etat notamment auraient été transférés en partie dans des banques suisses.

En janvier 2012, un juge d'instruction avait ordonné son renvoi devant un tribunal correctionnel pour détournements de fonds, mais n'avait pas retenu les poursuites pour crimes contre l'humanité, estimant les faits prescrits.

Indignation

Cette décision avait provoqué l'indignation des organisations de défense des droits de l'homme et des victimes qui avaient fait appel. En février de cette année, ils obtenaient une première victoire, obtenant de la justice haïtienne l'ouverture d'une nouvelle enquête.

Un juge haïtien estimait que "les actes reprochés à M. Duvalier constituaient des crimes contre l'humanité et étaient, de par leur caractère continu, imprescriptibles". Il jugeait qu'il existait de "sérieux indices relatifs à la participation indirecte et à la responsabilité pénale de Jean-Claude Duvalier".

Nouveau juge

Concrètement, la justice a chargé un nouveau juge d'instruction de recueillir de nouvelles informations auprès des plaignants et d'interroger des anciens dignitaires du régime. A l'issue de cette enquête, décision devait être prise de poursuivre ou non l'ancien dictateur.

Les avocats de Jean-Claude Duvalier ont dénoncé une "monstruosité juridique". Ils ont porté un recours devant la Cour de Cassation pour s'opposer à l'ouverture de cette nouvelle enquête.

Après plusieurs refus de comparaître, M. Duvalier s'était présenté pour la première fois devant la cour d'appel de Port-au-Prince en février 2013. Il avait alors recueilli les applaudissements nourris de ses partisans réunis dans la salle d'audience en déclarant "avoir fait le maximum pour assurer une vie décente à (ses) compatriotes" durant ses années au pouvoir.

Fonds en Suisse restitués

 

Après la révolte qui a renversé "Bébé Doc" en 1986, les autorités haïtiennes demandent de bloquer ses avoirs en Suisse, de l'argent soupçonné d'avoir été détourné. Après un long feuilleton, le TAF a donné en décembre dernier son feu vert pour la restitution à Haïti de ces fonds, soit 6 millions de francs.

 

Interrogé par l'ats samedi soir sur cette restitution des fonds Duvalier à Haïti, le porte-parole du Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) Jean-Marc Crevoisier a indiqué que "le processus était en cours (...) et que les modalités de restitution étaient actuellement définies". Il a aussi confirmé le montant de l'argent bloqué en Suisse, soit 6 millions de francs.

Fonds gelés

Dès 1986, peu après le début de l'exil en France de "Bébé Doc", les fonds étaient restés gelés en permanence, soit dans le cadre de l'entraide internationale en matière pénale, soit sur décision du Conseil fédéral. Fin septembre 2013, le Tribunal administratif fédéral (TAF) confirmait le blocage et la confiscation de ces avoirs, l'origine de la fortune de l'ex-dictateur et de son entourage ne faisant guère de doute.

Finalement le 16 décembre dernier, la voie était libre pour la restitution des avoirs du clan Duvalier aux autorités haïtiennes, l'ancien chef d'Etat et ses proches eux-mêmes n'ayant pas recouru contre la décision du TAF. Ils n'avaient pas non plus contesté la demande de confiscation des biens qui avait été déposée en avril 2011 par le Département fédéral des finances (DFF).

Selon les juges du TAF, M. Duvalier et son clan n'avaient pas démontré que l'accroissement de leur patrimoine n'était pas en relation avec l'exercice de leur fonction publique. Les conditions pour admettre l'origine illicite des fonds était dès lors remplies.

Différents mécanismes

Dès le 1er février 2011, les avoirs sont restés bloqués sur la base de la nouvelle loi sur la restitution des avoirs illicites, surnommée "Lex Duvalier". Différents mécanismes sont prévus pour une restitution de l'argent et pour éviter qu'il ne tombe entre de mauvaises mains. Les avoirs devront servir à améliorer les conditions de vie de la population haïtienne, renforcer l'Etat de droit et lutter contre l'impunité des criminels.

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