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Italie: Stephan Schmidheiny, le président suisse d'Eternit, blanchi par la Cour de cassation

Stephan Schmidheiny, condamné à 18 ans de prison dans le procès de l'amiante de sa société Eternit, a été blanchi mercredi à Rome par la Cour de cassation italienne. Les familles des victimes sont outrées.

20 nov. 2014, 07:00
Malgré les protestations des familles des victimes, le milliardaire suisse Stephan Schmidheiny a été acquitté par la plus haute instance juridique italienne.

Coup de théâtre mercredi au procès de l'amiante d'Eternit à Rome: la Cour de cassation italienne a annulé en soirée la condamnation à 18 ans de prison de l'industriel et milliardaire suisse Stephan Schmidheiny. Il avait été jugé coupable en 2013 d'avoir provoqué la mort de près de 3000 personnes dans ses usines d'amiante en Italie.

La plus haute juridiction italienne a considéré que les faits pour lesquels il avait été condamné en première instance en février 2012 à 16 ans, puis en appel en juin 2013 à 18 ans de réclusion, étaient prescrits, selon l'agence italienne Ansa.

La cour a "accepté les arguments invoqués par les avocats de M. Schmidheiny et l'acquitte d'avoir causé intentionnellement un désastre qui subsiste à ce jour dans quatre usines de la société italienne Eternit S.p.A.", a expliqué sa porte-parole, Elisabeth Meyerhans Sarasin, dans un communiqué.

Principe "pas de peine sans loi"

Avec cette décision du juge italien, "il est désormais prouvé que le procès Eternit à Turin avait plusieurs fois violé massivement le droit à un procès équitable ainsi que le principe 'pas de peine sans loi', selon les articles 6 et 7 de la convention européenne des droits de l'homme", a ajouté la porte-parole.

"Les juges de Turin étaient obligés de trouver un coupable pour la tragédie sociale de l'amiante", en raison du climat de tension qui règne dans le Piémont par la présence de "milliers de familles touchées par les effets de la transformation" des fibres du produit, a-t-elle encore précisé.

M. Schmidheiny, ancien propriétaire d'Eternit Suisse et ancien actionnaire important d'Eternit Italie (de 1976 à 1986), avait été condamné pour avoir provoqué volontairement une "catastrophe sanitaire et environnementale permanente" en lien avec les quatre usines italiennes du groupe Eternit S.p.A. Gênes. Il avait aussi été jugé responsable d'infraction aux règles de la sécurité au travail dans deux de ces usines. Pour les deux autres sites, les faits avaient été jugés prescrits.

Pas de preuves

Le procureur de la Cour de cassation, Francesco Mauro Iacovello, avait demandé plus tôt dans la journée la relaxe de l'industriel suisse, jugeant que les faits étaient prescrits. Selon lui, en l'absence de normes juridiques spécifiques, l'affaire Eternit aurait dû être considérée comme prescrite depuis 1998, douze ans après la mise en faillite de la société en Italie.

"Plier le droit à la justice peut rendre justice aujourd'hui mais créer à l'avenir mille injustices. Il arrive que le droit et la justice prennent des directions opposées, mais les magistrats n'ont pas d'alternative, ils doivent suivre le droit", avait dit le procureur.

Si Me Iacovello a néanmoins reconnu que Stephan Schmidheiny était responsable, il a finalement jugé que l'accusation selon laquelle il aurait provoqué la catastrophe n'avait pas été prouvée.

"L'amiante tue toujours"

Le représentant des parties civiles, Sergio Bonetto, a contesté l'interprétation du procureur général. "L'amiante tue toujours: le nombre de morts va vraisemblablement atteindre son maximum en 2025. Pour cette raison, la catastrophe environnementale dure toujours et n'est vraiment pas prescrite", a-t-il lancé.

Absent lors de l'audience de mercredi, comme durant toutes les audiences en première instance et en appel, l'homme d'affaires s'est dit surpris par le réquisitoire "clair" du procureur général, mais pas par son contenu, avait dit plus tôt sa porte-parole dans une prise de position transmise à l'ats.

"Honte à vous, honte à vous"

Dans la salle d'audience se trouvaient des proches des victimes de l'amiante des quatre anciens sites d'Eternit S.p.A. Gênes au Piémont, en Emilie-Romagne et en Campanie (la région de Naples). D'autres étaient venus de Suisse, de Grande-Bretagne ou encore du Brésil.

Nombre de ces personnes ont été décontenancées par la demande du procureur général. Les syndicats et organisations de défense de l'environnement ont critiqué un réquisitoire "absurde". De nombreuses familles de victimes ont accueilli le verdict au cri de "honte à vous, honte à vous", selon Ansa.

Avant le début des audiences, quelque 150 personnes avaient manifesté devant le siège de la Cour de cassation pour réclamer la "justice pour les victimes d'Eternit".

Le procès Eternit en Italie a été le plus grand du monde de ce genre et le premier au pénal sur la fibre tueuse. Matériau miracle qui a tourné au cauchemar, l'amiante a été utilisé massivement, en particulier dans le secteur de la construction en raison notamment de sa résistance à la chaleur et au feu, avant son interdiction dans toute l'Europe.

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