A défaut d'un internement, si la Cour devait conclure que Breivik est responsable, les procureurs ont requis une peine subsidiaire de 21 ans de rétention de sûreté, une peine qui permet de maintenir un individu en prison indéfiniment tant qu'il est jugé dangereux.
«Selon nous, c'est pire d'envoyer un psychotique dans un centre de détention préventive que d'envoyer une personne non psychotique dans un centre de soins obligatoires», a déclaré le procureur, Svein Holden au terme d'un réquisitoire de près de trois heures.
«Notre demande est qu'il soit contraint de suivre des soins psychiatriques» dans un établissement fermé. Toutefois, «si le tribunal conclut (...) que Breivik est responsable, le Parquet estime que les conditions pour la rétention de sûreté sont remplies», a-t-il ajouté.
«Schizophrénie paranoïde»
Dans ce cas, «il n'y a aucun doute que Breivik doit recevoir la peine la plus sévère, 21 ans de rétention de sûreté», a précisé M. Holden.
Pour justifier sa demande d'internement, le Parquet a invoqué une expertise officielle de deux experts qui ont conclu que l'extrémiste de 33 ans souffrait de «schizophrénie paranoïde», un diagnostic très critiqué mais suffisant, aux yeux des procureurs, pour semer le doute.
Avant de condamner un individu à la prison, les juges doivent être convaincus qu'il est pénalement responsable au-delà du doute raisonnable. Sans que la jurisprudence norvégienne dise précisément où la barre se situe, une éventuelle incertitude doit jouer en faveur de l'accusé, passible dès lors de la peine jugée la plus douce.
Conclusions officielles contredites
«Nous ne sommes pas convaincus ni sûrs que Breivik est (pénalement) irresponsable mais nous sommes dans le doute», a souligné M. Holden qui a lui-même relevé des faiblesses dans la fameuse expertise psychiatrique.
Présentant les vues extrêmes de l'accusé comme des «idées délirantes» symptomatiques d'une schizophrénie, cette expertise a été critiquée pour ne pas tenir suffisamment compte du contexte idéologique dans lequel Breivik évolue.
Ses principales conclusions ont été contredites par une contre- expertise et par l'ensemble des autres psychiatres appelés à témoigner, lesquels se sont entendus pour dire que l'accusé présentait des troubles de la personnalité - une condition insuffisante pour éviter la prison - mais pas de psychose.
Dans un système norvégien généralement considéré comme très libéral, certains ont agité le spectre que le tueur puisse être un jour relâché après un séjour dans un établissement psychiatrique.
Plus jamais de liberté
Mais la seconde procureure, Inga Bejer Engh, a tenté de dissiper ces peurs, laissant entendre qu'il ne recouvrerait probablement jamais la liberté. «Il y a des tueurs condamnés à un internement qui ne sortiront probablement jamais», a-t-elle déclaré, avant de souligner que le carnage commis par Breivik était sans commune mesure avec les faits reprochés à ces criminels.
Vendredi, au dernier jour d'un procès de dix semaines, ce sera aux avocats de la défense de tenir leur plaidoirie. Ils devraient quant à eux demander l'acquittement - demande purement technique due au fait que leur client plaide non coupable - ou, à défaut et de manière plus réaliste, qu'il soit reconnu responsable et condamné à la prison.
Tenant à être reconnu sain d'esprit pour ne pas voir son idéologie invalidée par un diagnostic pathologique, Breivik estime qu'un internement psychiatrique serait «pire que la mort».
En dernier ressort, il reviendra aux juges de trancher la délicate question de la responsabilité pénale dans leur verdict attendu le 20 juillet ou le 24 août. Selon un sondage, près de trois Norvégiens sur quatre estiment qu'il devrait être condamné à la prison.