A l'issue d'une plaidoirie de deux heures et demie au dernier jour du procès, onze mois tout juste après le carnage du 22 juillet 2011, l'avocat Geir Lippestad a demandé à la Cour de ne pas suivre le réquisitoire du Parquet qui a préconisé jeudi l'internement psychiatrique.
Par pure formalité, l'avocat a aussi demandé l'acquittement de son client, une demande irréaliste, mais incontournable dans la mesure où l'accusé plaide non-coupable. Ce passage a donné lieu à un épisode déconcertant puisque M. Lippestad a omis de demander formellement l'acquittement, provoquant une vive réaction de Breivik. Ce n'est qu'en réponse à une question de la juge Wenche Elizabeth Arntzen qu'il a finalement confirmé cette demande.
Projet politique
«Breivik souhaite être puni pour ce qu'il a fait, c'est-à-dire être considéré par le tribunal comme sain d'esprit et pénalement responsable», a plaidé l'avocat. «Si l'on tient compte (...) du fait que l'accusé a un projet politique, imputer ses actes aux conséquences d'un état maladif c'est lui refuser un droit fondamental, celui d'assumer la responsabilité de ce qu'il a fait».
Selon lui, les vues extrêmes de son client ne sont pas les «idées délirantes» symptomatiques d'une maladie, mais bien l'expression d'une idéologie partagée par d'autres.
Pour appuyer sa thèse, l'avocat a souligné que l'extrémiste avait épargné des gens qu'il ne considérait pas comme activement impliqués dans la vie politique. Le tueur a choisi de se rendre au camp d'été des jeunes travaillistes sur l'île d'Utoeya alors qu'il aurait pu ouvrir le feu au hasard dans les rues d'Oslo, a-t-il dit.
Geir Lippestad a aussi souligné que tous ceux qui ont rencontré son client depuis le 22 juillet dernier l'ont décrit comme quelqu'un de calme et de bien élevé. «Ce n'est pas la violence qui est le moteur de sa vie», a-t-il insisté.
Les familles quittent la salle
Après la plaidoirie, cinq témoins se sont succédé à la barre. Dans des récits déchirants, ils ont raconté comment ils avaient tous perdu un proche dans les attaques du 22 juillet.
A son tour, l'accusé a ensuite pris la parole pour ses remarques finales provoquant le départ du prétoire de plusieurs dizaines de membres du public, familles des victimes et rescapés du massacre.
«Arrêter le mal»
«On peut tous être d'accord que le 22/7, c'est une action barbare», a reconnu l'accusé. «Le modèle démocratique européen ne fonctionne pas. Il faut un changement fondamental de direction», a-t- il dit dans une tirade idéologique d'environ trois quarts d'heure.
L'extrémiste de droite a notamment évoqué la série américaine «Sex and the City» et les artistes norvégiens issus de l'immigration participant à l'Eurovision pour déplorer la libération sexuelle qui menace la famille traditionnelle et la montée du multiculturalisme.
S'adressant aux cinq magistrats, l'accusé a souligné que «l'Histoire montrera s'ils jugent un homme qui tentait d'arrêter le Mal», qui «a perpétré une petite barbarie pour arrêter une plus grande barbarie». La cour a ensuite mis son jugement en délibéré au 24 août.
Expertises contradictoires
Un premier groupe de psychiatres nommés par le tribunal, a conclu qu'Anders Behring Breivik était schizophrène et souffrait de psychose paranoïaque. Un second groupe d'experts a estimé qu'il souffrait vraisemblablement d'un trouble narcissique de la personnalité, mais n'était pas psychotique.
Estimant qu'il y avait suffisamment de doutes sur la santé mentale de l'accusé pour retenir l'irresponsabilité pénale, l'accusation a requis l'internement psychiatrique. Elle a assorti le réquisitoire d'une demande subsidiaire de 21 ans de rétention de sûreté au cas où la Cour devait finalement conclure que l'accusé est responsable.