Le chef de l'Etat sortant a promis lundi de taxer les Français qui s'exilent pour ne pas payer d'impôts sur leurs intérêts, dividendes et plus-value. Cette mesure, qui pourrait selon lui rapporter 500 millions d'euros par an à l'Etat français, ne concernera pas les deux millions d'expatriés français installés à l'étranger pour y travailler ou y créer une entreprise, a-t-il cependant précisé.
«J'ai l'impression qu'il y a une surenchère actuellement», a ironisé le socialiste François Hollande, dont la proposition de tranche d'imposition à 75% pour les plus riches a été abondamment brocardée par le chef de l'Etat.
A ses yeux, la proposition de M. Sarkozy est soit «un leurre», soit une mesure obligeant à renégocier les conventions fiscales avec les pays concernés, dont la Suisse. «J'ai l'impression qu'en ce moment il y a un candidat qui est prêt à tout renégocier, sauf le traité qu'il vient de signer (sur le nouveau pacte budgétaire européen)» - un texte que M. Hollande souhaite lui-même renégocier.
Sarkozy renvoyé à son carnet d'adresse
Son chef de la communication, Manuel Valls, a accusé d'»indécence» le président qui «a mis en place le bouclier fiscal» et «justifiait ce même exil fiscal (...) par rapport à la proposition de François Hollande.» Selon lui, «la supercherie est (...) évidente».
L'écologiste Eva Joly a estimé sur Twitter que si M. Sarkozy voulait trouver des exilés fiscaux, il n'avait qu'à «commencer par consulter son carnet d'adresses». Pour Nathalie Arthaud, candidate de Lutte Ouvrière, M. Sarkozy «se moque du monde parce que toute sa mandature, ses actes, ça a été au contraire de les bichonner, tous ceux-là».
Seul M. Mélanchon s'est réjoui de voir M. Sarkozy reprendre une de ses propositions. «Je triomphe !» écrit le candidat du Front de Gauche dans un communiqué. «Nos idées sont désormais au centre du débat et des solutions quand il s'agit d'avoir de l'audace et d'organiser le partage des richesses».
Taxer la diaspora
L'indépendant Pierre Jean Duvivier, qui brigue le siège de député dans la circonscription Suisse/Liechtenstein lors des législatives de mai/juin, dénonce sur son site internet la création d'»un impôt spécial supplémentaire pour les Français de l'étranger». Critiquant une «course à la démagogie», il craint que M. Hollande n'»aille encore plus loin» «en proposant un autre impôt 'révolutionnaire'».
A droite aussi, des voix critiques se sont élevées. L'ex-Premier ministre Dominique de Villepin a ainsi fait valoir qu'un impôt lié à la nationalité était incompatible avec les règles actuelles de l'Union européenne, qui prévoient une taxation dans le pays de résidence.
Fiscalement correct
Le commissaire européen chargé du marché intérieur, Michel Barnier, a toutefois estimé que la proposition de M. Sarkozy était «fiscalement correcte et moralement juste».
«Je ne crois pas que cette idée puisse heurter ou être contredite par une réglementation européenne», a ajouté le Français, rappelant qu'il existe déjà des taxes similaires en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis.
L'UMP récuse elle aussi l'idée que cette proposition soit contraire aux règles communautaires européennes. «A partir du moment où cela respecte le plafond de la fiscalité du pays d'origine, il n'y a pas d'entorse aux règles européennes», assure Guillaume Peltier, secrétaire national de l'UMP.
Les proches de M. Sarkozy conviennent qu'il faudra sans doute renégocier des conventions fiscales avec un nombre limité de pays - comme la Belgique, le Luxembourg et la Suisse. Mais rien de grave à tout cela, «des conventions fiscales, on en renégocie tout le temps».
Pour l'UMP, il en va du «patriotisme fiscal». M. Hollande veut «faire fuir les riches (...) alors que Nicolas Sarkozy veut faire rester les riches qui ont une attitude responsable et investissent, et sanctionner ceux qui contournent la fiscalité française», note M. Peltier.