Des milliers de Sud-Africains se sont spontanément rassemblés samedi pour rendre un hommage empreint de gratitude à Nelson Mandela, décédé jeudi soir à l'âge de 95 ans. Les marques de respect se succédaient, alors que la préparation de funérailles historiques, dignes du rayonnement planétaire du leader anti-apartheid, se poursuivait.
Dans la rue, à la radio, à la télévision, on ne parlait que de "Tata (papa) Mandela" et de tout ce que lui doit ce pays d'aujourd'hui 53 millions d'habitants, dont la moitié n'a pas encore 25 ans: ses sacrifices, mais aussi ses innombrables gestes d'attention, sa discipline personnelle et l'écoute qui était la marque de l'ancien dirigeant.
Devant la maison de l'ancien président, la foule continuait d'affluer. Sur le côté, un petit autel a été improvisé sur la pelouse, autour deux palmiers nains. Des bougies y brûlaient, à côté d'un amoncellement de fleurs.
Le besoin de se rassembler poussait la foule à converger vers d'autres lieux emblématiques et à communier dans une atmosphère détendue. Une atmosphère qui contrastait avec la paranoïa sécuritaire d'un pays à la criminalité élevée.
Silence de deuil
Les télévisions sud-africaines diffusent depuis jeudi soir en continu des images de foules commémorant Mandela, alternant avec des récits de sa vie et ses discours les plus forts.
A Qunu (sud), le village d'enfance de Mandela où il était revenu vivre sur ses vieux jours dans la paix de la campagne xhosa, régnait le silence du deuil. Les visages étaient fermés.
Des présidents, chefs de gouvernement, anciens ou actuels, des têtes couronnées, des artistes, des dirigeants spirituels du monde entier sont attendus dimanche 15 décembre pour l'inhumation. Ils auront aussi le choix d'assister à l'autre service funèbre, celui de Soweto mardi, dans la ferveur populaire du stade de Soccer City.
C'est là précisément que Nelson Mandela avait fait sa dernière apparition publique en 2010, lors de la finale de la Coupe du monde. Il était déjà très affaibli par l'âge et les séquelles de ses 27 ans de prison sous l'apartheid.
Immense émotion
Au nom de tous les Sud-Africains, le ministre à la présidence Collins Chabane a salué "la générosité, la gentillesse et la chaleur avec laquelle des millions de gens ont réagi à l'annonce du décès (...)". Il a promis des "funérailles d'Etat historiques et sans précédent".
Les Sud-Africains n'ont pas attendu les cérémonies officielles pour rendre hommage au premier président noir du pays. Pour la plupart d'entre eux, son charisme et sa générosité ont permis d'éviter une guerre civile au pays au début des années 1990, quand la minorité blanche s'est résolue à rendre le pouvoir à la majorité noire.
Nelson Mandela s'est éteint chez lui à Johannesburg , après une agonie de plusieurs mois qui a permis au pays de se préparer à l'après-Mandela. Mais elle n'a rien retiré à l'immense émotion ressentie à l'annonce de son décès jeudi soir.
Dépouille exposée
Lundi, le parlement tiendra une session extraordinaire au lendemain d'une journée nationale de prières et de réflexions, sous le signe de l'oecuménisme. M. Mandela lui-même avait grandi dans le giron de l'Eglise méthodiste.
De mercredi à vendredi, la dépouille de Mandela sera exposée à Union Buildings, le siège de la présidence à Pretoria. Elle sera transportée chaque jour dans les rues de la ville où la population est appelée à lui faire une haie d'honneur. Le corps était préparé samedi par des médecins militaires.
Des voix soulignent cependant que ce concert de louanges laisse de côté une part de la vérité historique: "Quand on parle du miracle sud-africain, beaucoup de gens confondent la conclusion et la lutte elle-même. Ce fut 30 ans de violences de l'apartheid contre lesquelles nous avons répondu. Ceux qui parlent de transition non violente se trompent d'analyse", a souligné l'ancien chef de file de l'ANC Tokyo Sexwale.