Keiko Fujimori, dont le nom suscite autant la haine que l'admiration au Pérou, est arrivée largement en tête du premier tour de l'élection présidentielle avec 38,04% des voix, indiquent lundi les résultats partiels. Elle devrait affronter au second tour l'économiste Pedro Pablo Kuczynski.
L'ancien banquier de Wall Street de 77 ans, un temps au coude-à-coude avec la jeune parlementaire de gauche Veronika Mendoza, a raflé 25,48% des voix. Cette dernière, une psychologue de 35 ans est, elle, créditée de 16,22% des suffrages, selon les premières estimations officielles, basées sur le dépouillement de 20% des résultats.
"Le Pérou veut la réconciliation et ne veut plus de conflits. Nous représentons la voix des Péruviens qui veulent une présence de l'Etat", a déclaré à son local de campagne Keiko Fujimori, la fille de l'ancien président Alberto Fujimori, emprisonné pour violation des droits de l'homme et corruption.
Sept autres candidats étaient encore en lice pour succéder à Ollanta Humala, qui ne pouvait pas se représenter après avoir effectué le seul mandat de cinq ans permis par la constitution. Le second tour de l'élection est prévu le 5 juin.
Le Pérou aux urnes pour la présidentielle, Keiko Fujimori favorite https://t.co/BjhUXbtFES #AFP pic.twitter.com/pbISpe41KE
— Agence France-Presse (@afpfr) 10 avril 2016
Pays divisé
Signe de la division des Péruviens face à cette candidate de droite de 40 ans et à l'héritage discuté de son père, le hashtag #PrayForPeru (#PriezPourlePerou) était en tête des tendances sur Twitter dans ce pays andin. Il rassemblait les critiques et les commentaires face aux premiers résultats qui la plaçaient en tête.
Favorite depuis des mois et misant sur un ambitieux plan sécuritaire, Keiko Fujimori (Fuerza Popular) avait commencé la journée en cuisinant, devant les caméras de télévision, des saucisses pour le petit déjeuner familial. Affichant un grand sourire, elle est ensuite allée déposer son bulletin dans l'urne, dans le quartier cossu de Surco, au sud de Lima.
Son père Alberto Fujimori, président du Pérou de 1990 à 2000, est salué par une partie de la population comme l'homme ayant combattu avec succès la guérilla maoïste du Sentier lumineux. Mais il purge désormais une peine de 25 ans de prison pour avoir commandité deux massacres perpétrés par un escadron de la mort en 1991-1992, dans le cadre de la lutte contre cette guérilla.
Le bilan de l'ex-mandataire de 77 ans, également reconnu coupable de corruption, continue de diviser les Péruviens et son ombre plane sur la trajectoire de sa fille, à la fois avantagée et desservie par son patronyme.
Cadeaux interdits
La campagne, atypique, a été marquée par l'application d'une nouvelle loi interdisant, sous peine d'exclusion, la distribution d'argent ou de cadeaux, suscitant de nombreuses critiques. Des 19 candidats inscrits au départ, neuf ont déjà été mis hors jeu ou ont renoncé.
Le vainqueur du scrutin, qui prendra les rênes du pays à partir du 28 juillet, devra faire face à de nombreux défis. Champion de la croissance en Amérique latine grâce à sa richesse en ressources naturelles (minerais), le Pérou connaît un net ralentissement économique, avec une prévision de croissance pour 2016 de 3%, et souffre d'une pauvreté endémique. C'est aussi l'un des premiers producteurs au monde de cocaïne.
Le scrutin, auquel devaient participer 23 millions d'électeurs, s'est déroulé dans le calme malgré l'inquiétude suscitée par deux attaques samedi visant l'armée et attribuées par les autorités à des forces résiduelles du Sentier lumineux, ayant fait sept morts dans le centre du pays.
"Le terrorisme et ceux qui s'allient à lui n'ont aucune place dans notre société et notre famille", avait réagi le président péruvien Ollanta Humal, condamnant des "actes de démence".