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Twitter bouclé: mobilisation contre la décision d'Erdogan

Le blocage de Twitter par les autorités d'Ankara a soulevé une importante vague de mobilisation sur internet. Ce mouvement a permis aux internautes turcs de contourner la censure et d'exposer l'autoritarisme croissant du gouvernement, selon des experts.

21 mars 2014, 21:26
epa04134573 Two Turkish women try to get connected to the twitter web site with their laptops at a cafe in Istanbul, Turkey 21 March 2014. The social media site Twitter was blocked in Turkey early on 21 March 2014, amid an internet crackdown in the country. Some users said they could not load the site, while others were being redirected to an official website saying a court order was applying 'protection measures.'The move came just hours after Turkish Prime Minister Recep Tayyip Erdogan promised to 'root out' Twitter, after pushing through new legislation last month which allows authorities to shut down websites and track users' browsing histories.  EPA/TOLGA BOZOGLU

Peu après l'annonce-choc du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan jeudi, le groupe Twitter lui-même a été un des premiers à contre-attaquer en publiant un message rappelant que ses services étaient accessibles en Turquie par SMS.

Des groupes d'activistes ont, eux, dévoilé des astuces permettant de modifier les réglages internes d'une connexion internet afin de continuer à s'exprimer en 140 caractères en dépit de l'interdiction gouvernementale.

Des entreprises ont également offert un accès gratuit à leur VPN, un réseau privé virtuel qui permet de brouiller les pistes en masquant la réelle localisation géographique des internautes.

"Comme une traînée de poudre"

"Les astuces pour contourner la censure se sont propagées comme une traînée de poudre", relève Philip Howard, qui dirige un centre sur l'activisme numérique, le Digital Activism Research Project, à l'Université de Washington.

Le succès ne s'est pas fait attendre. "Les gens ont commencé à contourner la censure petit à petit et ça c'est ensuite transformé en un véritable déluge", estime Zeynep Tufekci, une sociologue turque de l'Université de Caroline du Nord qui suit le mouvement en temps réel sur son blog.

Selon elle, les tweets publiés en Turquie ou écrits en turc ont même atteint des "niveaux proches de leur record" et la censure d'Ankara a fait la une de la Twittosphère.

#Turquie

A travers le globe, les mots-clés #Turkey (Turquie en anglais) et #TurkeyBlockedTwitter se sont ainsi rapidement imposés comme les grandes tendances du jour sur le site.

"L'interdiction semble vaine et montre surtout à quel point la Turquie devient de plus en plus autoritaire", indique Jillian York de l'Electronic Frontier Foundation, un groupe de défense des libertés sur internet.

"L'annonce de l'interdiction semble avoir poussé plus de Turcs à utiliser Twitter pour la première fois", estime ainsi Philip Howard, soulignant la mauvaise publicité faite au pays. "Cela a attiré l'attention de la planète tout entière sur la politique de plus en plus dure des autorités en matière de surveillance et de censure", poursuit-il.

Désapprobation du président Gül

La décision de bloquer Twitter a provoqué une avalanche de critiques. Le président turc Abdullah Gül en personne l'a désapprouvé, tandis que l'opposition et les avocats turcs saisissaient la justice pour violation des libertés individuelles.

"On ne peut pas approuver le blocage total des réseaux sociaux", a estimé le chef de l'Etat turc Abdullah Gül sur son compte Twitter, disant espérer que "cette situation ne durera pas longtemps".

Réputé plus modéré que M. Erdogan, M. Gül a multiplié les prises de distance publiques avec ce dernier, pourtant un de ses compagnons de route au sein de l'AKP islamo-conservateur. Il s'était opposé le mois dernier au Premier ministre quand celui-ci avait menacé d'interdire Facebook et Youtube.

Justice turque saisie

"C'est une violation incroyable des droits fondamentaux et des libertés", s'est indigné pour sa part Aykan Erdemir, député du principal parti d'opposition, le Parti républicain du peuple (CHP). "La Turquie fait désormais partie des pays les plus autoritaires en matière de liberté sur le net".

De leur côté, le Parti républicain du peuple, principal parti d'opposition de Turquie, et l'association des barreaux de Turquie ont annoncé vendredi avoir saisi la justice turque pour violation des libertés individuelles.

Enregistrements d'Erdogan diffusés

Sur ordre du gouvernement, l'autorité des télécommunications (TIB) a en effet purement et simplement interdit jeudi soir l'accès à Twitter. Elle reproche au réseau social sur internet d'avoir diffusé des enregistrements de conversations téléphoniques piratées qui mettent en cause M. Erdogan dans un vaste scandale de corruption.

La TIB a justifié sa décision par des plaintes en justice déposées à Istanbul qui reprochaient à Twitter de manquer au respect de la vie privée. Mais le bureau du procureur de la Ville a affirmé vendredi, dans un communiqué, n'avoir rendu "aucune décision" d'interdiction.

Indifférent aux critiques

Quelques heures plus tôt, le Premier ministre avait clamé devant des milliers de partisans son intention de "supprimer Twitter. Je me moque de ce que pourra dire la communauté internationale", a-t-il affirmé lors d'un rassemblement électoral à dix jours du scrutin municipal du 30 mars.

Eclaboussé depuis la mi-décembre par un scandale de corruption sans précédent, M. Erdogan avait déjà riposté en faisant notamment voter une série de lois très controversées, dont un texte renforçant le contrôle d'internet en février.

UE "très inquiète"

Les reproches ont également plu hors des frontières de Turquie. "Très inquiet", le commissaire européen à l'Elargissement Stefan Füle a rappelé à Ankara, candidat depuis longtemps à l'adhésion à l'UE, que "l'usage des réseaux sociaux est une liberté fondamentale de l'Union européenne".

Le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Seibert, a quant à lui estimé que "dans une société libre, le choix des moyens utilisés pour communiquer appartient aux citoyens, pas à l'Etat #Turquie". Il s'exprimait sur son compte Twitter.

A Paris, le ministère des Affaires étrangères a dénoncé une mesure "choquante" et "contraire aux libertés d'expression et de communication". Le département d'Etat américain a jugé qu'une telle décision était "contraire au désir de la Turquie d'être un modèle de démocratie".

Twitter a exprimé son soutien à ses "utilisateurs en Turquie qui comptent sur (nous) comme plate-forme essentielle de communication. Nous espérons que l'accès complet sera prochainement rétabli", a dit la société dans un tweet.

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