Le journaliste français Gilles Jacquier, grand reporter sur France 2, a été tué mercredi alors qu'il se trouvait en reportage à Homs, dans le centre de la Syrie, a indiqué la chaîne de télévision publique. Les circonstances de ce décès ne sont pas claires
Gilles Jacquier et son caméraman Christophe Kenck, qui a été légèrement blessé, «étaient en mission autorisée par le gouvernement syrien, pour un reportage destiné au magazine de la rédaction Envoyé spécial», peut-on lire dans un communiqué du groupe. «Nous sommes en contact avec les autorités syriennes et françaises pour rapatrier le corps et l'équipe de France 2.»
Obus sur un groupe de journalistes
Selon la télévision syrienne Addounia, le journaliste a trouvé la mort dans une attaque qui a fait au total huit morts et 25 blessés.
Selon France 2, «il semble qu'une explosion ait eu lieu dans un immeuble où se trouvait les victimes». Un photographe de l'AFP présent sur place affirme pour sa part qu'un obus est tombé sur un groupe de journalistes qui se trouvait en reportage dans cette ville, haut lieu de la contestation.
Devant la rédaction de France 2, le PDG de France Télévisions, Rémy Pflimlin, a déclaré «qu'un drame frappait au coeur les journalistes du service public».
Il s'agit du premier journaliste occidental tué en Syrie depuis le début de la révolte contre le régime, le 15 mars. Il y a également plusieurs blessés dans le groupe mais leur nombre n'a pu être précisé. L'un d'entre eux est un journaliste belge qui a été blessé à un oeil, a précisé le photographe de l'AFP.
Le ministère de l'information syrien a indiqué qu'il était au courant d'un incident impliquant des journalistes étrangers à Homs mais qu'il n'avait pas d'autres détails.
Homs est un des foyers de l'insurrection contre le régime du président syrien Bachar al-Assad. La répression de la contestation a fait, selon une estimation de l'ONU, plus de 5000 morts.
Le groupe de journalistes se trouvait à Homs dans le cadre d'un voyage autorisé par le régime syrien qui limite les déplacements des médias étrangers en Syrie.
De la Haute-Savoie au Kosovo
Kosovo, Afghanistan, Algérie, révolutions arabes: Gilles Jacquier a couvert la plupart des conflits des 20 dernières années. Il avait obtenu le prix Albert Londres pour des reportages lors de la seconde Intifada.
«J'ai horreur de la guerre mais sur ces terrains, je peux faire de vraies rencontres. Le plus souvent les gens sont eux-mêmes, très sincères face à une caméra et on ne peut rester insensible à leur souffrance», racontait le journaliste dans une interview.
«Moi, j'aime surtout filmer les gens au plus près de l'action, avec leurs émotions et sans voyeurisme», ajoutait-il.
Né le 25 octobre 1968, ce passionné d'images depuis sa plus tendre enfance, démarre sa carrière comme journaliste reporter d'images (JRI) dans une chaîne locale à Annecy en 1989, TV HUIT Mt Blanc.
Deux ans plus tard, il entre à France télévisions et rejoint la rédaction nationale de France 3 en 1994. Il sillonne le monde, couvre les Jeux olympiques d'hiver de Lillehammer, de Nagano, le Festival de Cannes, les élections en Afrique du Sud.
Mais surtout, caméra sur l'épaule, Gilles Jacquier couvre tous les conflits depuis les années 1990, à commencer par celui du Kosovo. Suivront la République démocratique du Congo (RDC), l'Algérie, la Côte d'Ivoire, Haïti, l'Irak, Israël, la Palestine, jusqu'aux révolutions arabes.
Le journaliste disait avoir vu la «mort à grande échelle, avec des trous béants et des dizaines de cadavres arrivant sur des brancards et jetés là toutes les heures». Il est particulièrement bouleversé par les massacres en Algérie dans les années 1990 et dans la jungle de Kisangani au Zaïre, avant la chute de Mobutu en 1997.
Journaliste primé
En 2003, il obtient le prestigieux prix Albert Londres avec Bertrand Coq, autre grand reporter, pour sa couverture durant la deuxième Intifada.
«Gilles était un excellent reporter de guerre, il n'avait peur de rien, avait un côté casse-cou mais ne prenait jamais de risques inconsidérés», témoigne Bertrand Coq, interrogé par l'AFP.
Lors des reportages à Naplouse, Gilles Jaquier avait été blessé. «Une balle avait pénétré par le côté de son gilet pare-balles et l'avait touché à la clavicule. La balle avait été extraite par un médecin suisse à l'hôpital de Naplouse», se rappelle Bertrand Coq.
Féru de sport, ancien champion de descente à ski, le grand reporter «mettait dans son travail tout l'acharnement, tout le talent et toute la motivation d'un grand sportif. Il ne rentrait jamais sans les images. Jamais», souligne Bertrand Coq.