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Des Bursinois ont forgé La Côte

L'historien Loïc Rochat réhabilite la figure de l'architecte "campagnard".

03 avr. 2013, 00:01
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jlaurent@lacote.ch

"Mon but, c'était de m'intéresser aux architectes du commun des mortels, de monsieur tout le monde, ceux qui ont façonné la campagne vaudoise, de la maison de commune aux églises, en passant par la caserne des pompiers ou les toilettes publiques" , explique l'historien Loïc Rochat. Son ouvrage "Cugnet sera mon architecte" relate l'ascension sociale et la mutation professionnelle d'une dynastie de maîtres charpentiers et d'architectes bursinois, actifs du XVIII e au XIX e siècle. L'historien s'est basé sur une infime partie d'un fonds d'archives privées reçue des descendants Cugnet.

Les cinq bâtisseurs, architectes de père en fils, ont réalisé ou transformé, sur cinq générations, plus de 60 ouvrages sur La Côte, tels que La Lignière à Gland, le château Saint-Vincent à Gilly, les tours communales de Burtigny et de Le Vaud, la maison de commune et l'une des tourelles du Château de Prangins. "Je me suis intéressé à l'architecte plus qu'à ce qu'il a construit" , relève l'universitaire morgien qui s'est penché sur l'évolution du métier d'architecte, qui a conduit à la professionnalisation de la pratique.

 

De charpentier à architecte

 

De fait, l'auteur, avec cet ouvrage, comble une lacune dans l'histoire de l'architecture en Suisse romande. A ce jour, les écrits ont privilégié des architectes de plus grande envergure, ayant réalisé des ouvrages en ville, tels qu'Alexandre et Henri Perregaux, Louis Wenger, Eugène Jost ou Alphonse Laverrière, lequel a notamment réalisé la tour Bel-Air et le Tribunal fédéral.

"Les Cugnet n'étaient pas architectes, lance Loïc Rochat, ils étaient à l'origine charpentiers. Jacob Cugnet, le premier de la dynastie, était au départ ouvrier charpentier, puis il est devenu maître charpentier." La dynastie Cugnet illustre ainsi une tendance probablement spécifique à la Suisse romande qui voit les charpentiers, dès le XVIII e siècle, pratiquer le métier d'architecte, sans pour autant se considérer comme des professionnels de la branche. "Au XVIII e siècle, l'architecte, c'est un intellectuel, un érudit, un bourgeois passionné par l'esthétique, le dessin, les mathématiques et la géométrie. Il conçoit des ouvrages mais il n'est pas sur le terrain, contrairement aux maîtres artisans qui se chargent de la construction" , explique l'historien.

Le tournant se situe au XIX e siècle. Les artisans vont se former petit à petit à l'architecture avec l'ouverture des grandes écoles: le Polytechnicum de Zurich et la Bauschule de Munich. "Entre le XVIII e et le XIX e siècle, les charpentiers-bâtisseurs prennent conscience de leur identité d'architecte. Louis Cugnet III, à la fin du XVIII e siècle, va se déclarer spontanément architecte, alors qu'il n'avait pas suivi d'école dans ce domaine. Ses deux fils, eux, sortiront de grandes écoles" , précise Loïc Rochat. "Cette dynastie est intéressante, car elle incarne une évolution professionnelle et sociale, l'exemple d'une ascension sociale au cours de laquelle des artisans s'élèvent progressivement du rang de charpentiers à celui d'architectes" , conclut l'historien.

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