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Lausanne: des gardiens de la prison de Lonay devant les juges cantonaux

Ce mercredi 1er avril, sept gardiens de la prison de la Tuilière de Lonay, accusés de maltraitance par une détenue, comparaissaient devant la Cour d'appel pénale. Ils avaient été acquittés en première instance.

02 avr. 2015, 09:10
La prison de La Tuilière, théâtre d'un passage à tabac d'une détenue, contesté par les gardiens incriminés.

Sept gardiens de la prison de la Tuilière de Lonay (trois femmes, quatre hommes), accusés de maltraitance par une détenue, se sont retrouvés ce mercredi 1er avril devant la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal. En novembre 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Côte les avait acquittés et libérés du chef de prévention de lésions corporelles simples qualifiées et d’abus d’autorité. Les avocats de la partie plaignante avaient alors fait appel de la décision des juges nyonnais.

Mercredi la plaignante a brillé par son absence, dispensée de comparution personnelle. Maîtres Yaël Hayat et Eric Dupond-Moretti représentaient l’appelante. Les sept surveillants étaient, par contre, présents, accompagnés de leurs deux avocats.

Comme l’a relevé le président de la Cour Bertrand Sauterel, il ne s’agissait pas de refaire l’instruction, sauf faits nouveaux. L’audience a dès lors été consacrée aux assez longues plaidoiries, véhémentes, des deux parties en présence et à l’intervention du procureur Eric Mermoud.

Des faits qui remontent à 2009

Pour mémoire, le 18 juillet 2009, la détenue, alors qu’elle était incarcérée à la prison de la Tuilière à Lonay, avait été placée dans sa cellule à la suite d’une remarque ironique adressée à un gardien. Se sentant injustement traitée, elle s’était mise à pleurer, à crier très fort et à mettre sens dessus dessous sa cellule.
Des gardiens l’avaient alors menottée et placée en cellule d’isolement. C’est là que les agents lui auraient porté plusieurs coups violents au niveau des bras, du ventre et des côtes.
Examinée d’abord par l’infirmière de la maison d’arrêt, puis, trois jours après les faits, par le service médical de la prison, la victime présentait plusieurs hématomes importants. Sept jours d’arrêt de travail avaient été prescrits.

Maître Yaël Hayat et le ténor du barreau français se sont attachés mercredi à mettre en lumière les nombreux éléments troublants, selon eux, du dossier. Les deux avocats de la partie plaignante ont tenté de démontrer que les versions des sept gardiens, à l’image du principal reproche fait à leur cliente, étaient truffées de contradictions. Maître Eric Dupond-Moretti a cité notamment le revirement d’un des gardiens qui, soudain, en audience à Nyon, avait déclaré que la détenue se serait confiée à lui, lui disant qu’elle s’était automutilée. Auparavant, il aurait soutenu qu’elle n’avait pipé mot.

Par ailleurs, plusieurs faits, selon les deux avocats, plaident en faveur de la version de leur cliente. Il y a tout d’abord les lésions, au nombre de 15. L’Unité de médecine des violences au Centre universitaire romand de médecine légale avait conclu qu’elles n’avaient pas pu provenir d’automutilation mais d’une hétéro- agression. En outre, Me Yaël Hayat a parlé de «volonté de camoufler les choses dès le début.» La détenue, après être sortie d’isolement, a appelé la police par deux fois pour dénoncer les violences dont elle avait fait l’objet et être hospitalisée. Les forces de l’ordre ont appelé la prison. Réponse leur a été faite qu’il n’y avait pas lieu de se déplacer, la détenue ne présentant «aucune blessure, fabulant», malgré le constat de lésions sur le corps de la victime qui avait été fait le matin même. En plus, les avocats ont reproché aux gardiens incriminés d’avoir visionné les bandes d’enregistrement d’ouverture des portes, immédiatement après les faits, mais de ne pas les avoir sauvegardées, semant ainsi, selon eux, le doute.

Me Yaël Hayat l’a admis, «la preuve absolue n’existe pas.» De fait, les allégations de la plaignante reposent sur sa parole, celle d’une «condamnée pour un crime extrêmement grave.» Aussi les deux avocats ont-ils souligné à quel point leur cliente n’avait pas bénéficié d’un regard objectif sur sa personne, cataloguée d'emblée comme une détenue condamnée pour instigation à assassinat, peu crédible donc, menteuse pathologique, manipulatrice de premier ordre, subissant dès lors une inégalité de traitement en face de gardiens, eux, irréprochables, représentant de l’autorité et, en quelque sorte, de l’Etat.

Les avocats se sont offusqués que les arguments de la défense et des juges, en première instance, aient eu trait principalement à la personnalité de leur cliente, une femme quérulente, cherchant des noises à ses codétenues. «On résume cette femme uniquement à son casier judiciaire», a conclu Eric Dupond-Moretti. Dernier argument: leur cliente n’avait aucun mobile, aucun bénéfice à retirer de sa plainte, uniquement la volonté de dénoncer des faits inacceptables, afin qu’ils ne se reproduisent pas.

Enfin, les deux avocats se sont étonnés que les juges nyonnais n’aient eu besoin que de quinze minutes pour délibérer.

Audience interrompue

L’intervention du procureur a été courte, l’occasion de constater plutôt les tensions existantes entre Eric Mermoud et le ténor du barreau français qui n'ont cessé de croiser le fer. Les juges cantonaux ont dû interrompre la séance. «Vous êtes devant une Cour, ce n’est pas le lieu pour vous invectiver», a déclaré l’un des juges. Le procureur avançant que les avocats de la plaignante savaient que les gardiens étaient innocents, le dossier ne permettant pas de les condamner. Ce à quoi l’avocat français a répondu qu’il s’agissait de dénonciation calomnieuse.  

A l’issue des plaidoiries de la défense, les hostilités ont repris, le procureur se déclarant choqué par l’attitude d'Eric Dupond-Moretti, en audience et dans la salle des pas perdus, accusant les prévenus, à de nombreuses reprise, d'être des «menteurs, tricheurs, accordant leur violon, solidaires, dans un esprit corporatiste», tandis que, de son côté, Eric Dupond-Moretti affirmait que l’instruction n’avait pas été faite et que le procureur était à deux doigts de «rétablir le délit de sale gueule», envers sa cliente. Et le procureur de sortir de ses gonds: «C’est ignominieux, à l’image de toute la procédure, on tord des propos, et on m’attribue un délit de faciès.»

Eric Mermoud a pourtant sous-entendu, en effet, que si la Cour avait rencontré la plaignante, les juges auraient compris quelle était sa personnalité, parlant à son égard «de mystification, dénonciation injustifiée, déclarations mensongères ».

"Un grave trouble psychiatrique"

Quant aux avocats de la défense, ils ont évoqué le parcours irréprochable de leurs clients, leur crédibilité, leur probité, l’absence de toute violence au cours de leur activité professionnelle. «Mes clients sont innocents, il n’y a pas de doute là-dessus, comme l’ont reconnu les juges en première instance», a affirmé Me Xavier Rubli. Ajoutant qu’ils n’avaient aucun mobile à agir avec la violence qu’on leur prête, récusant dès lors un «débordement de violence». «Pourquoi risquer leur carrière?», s’est interrogé Me Xavier Rubli.

L’homme de loi et sa collègue Me Antonella Cereghetti Zwahlen ont évoqué à de nombreuses reprises la personnalité de la plaignante, ainsi que ses antécédents. Ils ont rappelé qu’elle avait été reconnue coupable d’instigation à assassinat de son mari, et qu’elle avait également d’autres antécédents: tentative d’escroquerie, dénonciation calomnieuse.

«Elle a un trouble psychiatrique grave», a relevé l’avocate.  «C’est une menteuse née, chronique, un véritable métronome du mensonge et de la contradiction. Elle offre des versions différentes à tous, dit tout et son contraire», a affirmé Me Xavier Rubli. Et Me Antonella Cereghetti Zwahlen de renchérir: «elle a une personnalité qui la conduit à mentir, manipuler, intriguer, médire sans cesse."

L'avocate penche en faveur de la thèse de l’auto-agression, arguant qu’un des rapports médicaux aurait conclu qu’il n’était pas possible de dater de manière précise les ecchymoses.

Les deux avocats plaident l’acquittement pur et simple, comme en première instance. Interrogés par la Cour, les prévenus n’ont pas souhaité s’exprimer.  Le dispositif sera communiqué en début de semaine prochaine.

 

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