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Morges: le dessin de presse est sa nouvelle maison

Stéphanie Billeter revient sur son expérience à la Maison du dessin de presse, qui fête ses dix ans cette année. Histoire d’une passion.

14 févr. 2019, 11:00
Un dessin de Barrigue caricaturant François Mitterrand, à découvrir dès vendredi 15 février.

Entamant sa troisième année, en qualité de responsable administrative de la Maison du dessin de presse, Stéphanie Billeter se réjouit: cet anniversaire personnel, qu’elle célèbre, avec son collègue Pascal Pellegrino, qui en assure la direction, coïncide, en fait, avec les dix ans d’existence de ce lieu dédié à la création et à la libre expression.

A cette occasion et tout au long de 2019, plusieurs expositions et événements honoreront – sous le titre «Crayons engagés» – le travail des dessinateurs de presse. «Il est le baromètre de la liberté d’expression dans le monde. En premier lieu, dès demain, nous accueillons un hommage au duo Piem et Barrigue. C’est probablement un cas unique de transmission père-fils», relève-t-elle.

Fascination pour l’image

Stéphanie Billeter n’est pas venue au dessin en le pratiquant elle-même, mais par un goût marqué, dès son adolescence, pour l’image: de la BD, en particulier américaine, au cinéma. Ce qui l’amènera à collaborer, entre autres, à des festivals de films. Elle attribue toutefois sa passion pour le dessin de presse à un rejet viscéral de l’injustice et de l’interdit.

«Je suis née en avril 1968, cela a dû me marquer», avoue, avec humour, la jeune femme, qui a vu le jour à Genève, ville où elle a effectué des études de lettres. Son domaine de prédilection, l’histoire contemporaine, l’amène à se pencher sur le maccarthysme américain, cette politique de répression à l’égard de personnes suspectées de sympathies communistes. Elle consacre son mémoire final, en 1996, au dessin de presse sous l’Occupation en France.

La dénonciation des Juifs et des francs-maçons

Un élément a pesé lourd dans ces choix de sujets: le phénomène de la délation, largement pratiquée, dans les deux cas, au sein des populations concernées, alliée à une censure pesante. «En France, la zone occupée, déclare-t-elle, correspondant à la moitié du territoire, est placée sous le contrôle absolu des forces allemandes. Les médias deviennent des relais de la propagande. Ils font le procès en mots et en images des Juifs et des francs-maçons, ainsi que de politiciens comme De Gaulle et Churchill.

Dans la partie sud du pays, sous le pouvoir de Vichy, le constat est un peu plus nuancé, avec un espace de liberté d’opinion, certes très relatif. Les dessinateurs font des numéros d’équilibrisme par rapport aux exigences des censeurs. Mais cet état de fait n’est que transitoire. Dès 1942, le sud, lui aussi sous occupation, est soumis au régime général.»

Intarissable sur ces aspects qu’elle maîtrise à fond, notre interlocutrice évoque son rêve de dédier une exposition à ce thème.

Reste cependant à résoudre le problème des sources iconographiques. «J’ai travaillé à l’époque sur des microfilms, mais il est difficile de trouver des matériaux originaux, comme des dessins.»

Un passé de journaliste

Au bénéfice d’un poste à 80 % à la Maison du dessin de presse, Stéphanie Billeter ne pratique plus qu’occasionnellement, sous forme de piges, son métier de journaliste. Diplômée en 2002 du centre romand de formation des journalistes (CFJM), elle a collaboré aux pages culture du «Temps». «J’étais la spécialiste des séries, avant que ça ne devienne tendance!»

Elle travaille également durant sept ans pour des titres, tels que «Le Matin» ou « Le Matin Bleu», «20 minutes» et «L’Illustré». «J’ai toujours aimé les journaux, raconte-t-elle. Avec mon frère, on en fabriquait quand on était enfants. Lui, faisait des dessins, moi, j’écrivais. On parlait de tout, de films, de BD, on s’inventait des histoires. On rédigeait ça à la main, vous vous rendez compte. J’ai toujours adoré l’écriture.» Stéphanie, qui a accumulé, au fil du temps des carnets de notes et un journal intime, pense de plus en plus à se lancer dans l’aventure d’un roman.

Une mère née pied-noir

La source d’inspiration, elle la voit dans le portrait et la vie de sa mère, Elisabeth, une Française pied-noir, née à Oran, aujourd’hui décédée et qui a connu la douleur de l’exil. « Lorsqu’elle a dû quitter l’Algérie, elle disait adieu à son pays. Cela a été sa première mort. »

Très influencée par cet univers, Stéphanie Billeter avoue se sentir extrêmement à l’aise avec les Algériens. Il lui tient ainsi à cœur de concrétiser une exposition – «pour des raisons symboliques fortes» – avec un dessinateur oranais, qui l’a contactée suite au refus des autorités locales de donner leur feu vert à un projet sur place. A la maison, «j’ai des kilomètres de livres sur l’Algérie. La France n’a toujours pas digéré l’Occupation. Il en va de même de la colonisation, puis de la décolonisation», ne peut-elle s’empêcher de déplorer.

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