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Albert Jacquard, l'héritage d'un homme engagé

Albert Jacquard s'est livré, en 1990, dans un film tourné à Rolle.

18 sept. 2013, 06:48
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Le décor n'a pratiquement pas changé: le rideau, la table et le fauteuil sont toujours là dans le salon de Jean et Anne-Marie Mayerat. Seul absent: Albert Jacquard, décédé le 11 septembre. Il y a vingt-trois ans, le 13 décembre 1990, le généticien français était à Rolle, dans l'appartement des Mayerat, assis face caméra pour tourner, en toute simplicité, un des chapitres de la collection Plans-Fixes - des portraits filmés en noir et blanc de personnalités marquantes. "A cette époque, le chercheur et essayiste était professeur à l'Université de Genève. Il apparut au comité Plans-Fixes que ce serait fantastique de réaliser un portrait de lui, d'avoir le témoignage d'un tel homme - personnalité au regard vivant et neuf sur les problématiques qui préoccupaient les gens" , explique Jean Mayerat, alors responsable du développement de la collection Plans-Fixes.

Le Rollois avait assisté à plusieurs conférences "captivantes" du généticien. "Albert Jacquard proposait une réflexion qui allait à l'encontre du discours ambiant induit par le système capitaliste et a réussi à synthétiser les préoccupations des gens. Il a analysé le fonctionnement de nos sociétés, basées sur la compétition, l'exploitation de la nature, des hommes, tout en se fondant sur son approche scientifique, relève Jean Mayerat. Il a abordé des questions cruciales: démographie galopante, société d'exclusion, éducation, avenir du monde, sens de la vie. Il estimait par exemple qu'il fallait changer la pédagogie, afin que l'école ne soit plus une fabrique de compétiteurs."

Eveil des consciences

Le cinéaste et photographe se déclare sensible, également, à la lutte d'Albert Jacquard pour les droits de l'homme, la défense des sans-abris, des gens expulsés aux côtés de l'abbé Pierre: " Ses réflexions étaient sous-tendues par une perspective humaniste, afin de développer les solidarités entre les gens et inciter au partage des richesses, pour qu'il y ait moins d'injustice. Et pourtant, ce n'était pas le gourou d'une idéologie." Et dernier élément fondamental aux yeux de Jean Mayerat: "Il a contribué à l'émancipation intellectuelle et comportementale des gens, à l'éveil de leur conscience par son regard critique sur les problématiques de notre époque."

En 1990, le généticien accepte d'emblée l'invitation de l'association Plans-Fixes. La première rencontre entre Albert Jacquard et Jean Mayerat, pour régler les détails du tournage, a lieu, à Genève. "J'ai eu l'impression que l'on se connaissait depuis toujours" , confie le Rollois, les deux hommes partageant une même vision du monde.

Le jour du tournage, par contre, rien ne se passe comme prévu. "Tout avait mal commencé" , se souvient-il. Il était tombé 40 cm d'une neige mouillée. Jean Mayerat arrive, tout d'abord, en retard à l'aéroport, puis, au retour, sur l'autoroute, à la sortie de Rolle, sa voiture glisse sur le côté et heurte une voiture. De mauvais augure sachant qu'Albert Jacquard avait subi, enfant, un drame familial. Au cours d'un accident de voiture, Albert Jacquard perdit son plus jeune frère et ses grands-parents paternels. Lui-même en ressortit défiguré, ce qui transforma longtemps sa perception du regard des autres. Mais le généticien ne se laissa pas démonter et ne se départit pas de sa courtoisie tout au long de la matinée de tournage. Il confia même à Hélène Amblard, son interlocutrice: "Parce que j'ai côtoyé la mort, je suis devenu un avaleur de vie."

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