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"Bertola donnait de l'espoir"

Pierre-Alain Bertola est subitement décédé vendredi à l'âge de 56 ans comme nous l'avions annoncé le 17 août au soir sur notre site. L'illustrateur laisse une oeuvre foisonnante. Son absence se fait déjà sentir.

20 août 2012, 00:01
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Ce devait être un jour de plus, une journée tout de même particulière pour Pierre-Alain Bertola qui avait tout juste 56 ans vendredi. Le matin, il avait un rendez-vous de travail avec Bernard Garo et le soir, il avait prévu d'assister avec un couple d'amis à la projection du documentaire "Marley" à l'open air de cinéma. Le destin, s'il faut le nommer ainsi, en a décidé autrement. Pierre-Alain Bertola est décédé vendredi matin chez lui d'un arrêt cardiaque. Et nous sommes tous étourdis.

La nouvelle s'est rapidement répandue en ville de Nyon et nous avons toujours de la peine à la croire. Tant sa disparition est abrupte. Nyon perd un immense artiste, mais aussi une belle personnalité, quelqu'un de bien. " Un homme extrêmement attachant, doué d'une approche très positive de la vie et d'une pétillante sensibilité ", salue la ville de Nyon dans un communiqué. L'illustrateur était marié à Carinne Bertola, conservatrice du musée du Léman. Ils avaient un fils.

Le dessinateur avait su rester à hauteur d'hommes, les pieds bien enracinés dans la région, mais le regard horizontal, proche et lointain. Son travail dans l'illustration de romans, de livres pour enfants et dans la presse l'avait popularisé, néanmoins sa formation d'architecte lui avait permis de créer des scénographies pour des expositions temporaires et permanentes, dont celle du musée des Pharaons noirs de Karma au Soudan et pour des opéras, notamment "La Flûte enchantée" de Mozart et "Le Voyage de Reims" de Rossini pour le Théâtre de Mariinsky à Saint-Pétersbourg.

Sa carrière internationale ne l'empêchait pas de s'investir dans des projets locaux. On pense à la création théâtrale "Frankenstein" l'an dernier dans le parc du château de Coppet ou à ses nombreuses collaborations dans les trois musées de la ville. Durant 20 ans, il a été hanté par le roman de Steinbeck, "Des Souris et des hommes" qu'il avait mis en images après avoir âprement négocié les droits auprès de la famille. Son talent est à l'apogée, l'album est magnifique. Il a l'honneur de l'exposer à Salinas (Californie) dans le musée Steinbeck. Une reconnaissance qui le touchera.

 

Une multitude de talents

 

" C'était une usine à projets, image l'écrivain Eugène. Il avait encore tellement à faire et tout s'arrête là. Il m'a beaucoup appris, notamment la manière de garder un projet en tête. " Sous ses apparences calmes et son flegme, Pierre-Alain Bertola était un homme têtu. " Oui il avait cette détermination, je n'ai jamais rencontré quelqu'un comme lui. Il fallait que le rêve arrive à bon port. "

Eugène et Bertola se sont liés en 1999. Leur première collaboration remonte au projet "La mort à vivre". Axée sur les rites funéraires, l'exposition du Musée ethnographique à Genève a abouti sur deux ouvrages illustrés par Bertola et écrits par Eugène. " Ce qui m'impressionne chez lui, c'est la multitude de ses talents, il pouvait réaliser les décors d'un opéra, illustrer un livre pour enfants... autant de talents chez un seul homme c'est rare. On s'est téléphoné il y a une dizaine de jours. Il m'a dit qu'il passait un été tranquille, il faisait de l'ordre dans ces 8000 dessins et croquis. Et au cas où il ne serait plus là, il ne voulait pas que son fils Numa se retrouve avec tout ce désordre."

 

"Il faudra se relever"

 

L'artiste nyonnais Bernard Garo avait rendez-vous avec lui vendredi matin. " Il m'a averti par SMS qu'il ne se sentait pas bien. Cela m'a inquiété et je lui ai demandé de me tenir au courant. Un peu plus tard, sa famille m'a averti qu'il était mort. Je suis sous le coup. Je perds plus qu'un ami proche, nous étions complémentaires. Il était très à l'écoute, il savait arrondir les angles, il dissimulait la pression sous une apparence calme. Il m'avait parlé de cet inventaire, il faisait de l'ordre dans son atelier, son fils était présent, il était heureux de partager ce moment avec lui, il me l'a dit. Il ne l'avait jamais entrepris auparavant, comme si l'heure du bilan sonnait. Il y avait une sorte de sérénité qui se dégageait de lui, il n'avait rien à prouver il avait une réussite, quand bien même elle aurait dû être plus clairement internationale. Ce qui va me manquer, c'est l'espoir qu'il donnait. Mercredi, on a discuté de la difficulté qu'ont les artistes vivants d'exposer, c'est quand tu es mort que tu accèdes aux musées. Nous nous étions énormément rapprochés suite au décès du sculpteur Pierre Golay, il était du reste le président de la Fondation. Il tenait à ce que les gens se souviennent de Pierre. Je le vois encore ici dans mon atelier, l'oeil pétillant quand on a esquissé les projets que nous voulions mener pour le collectif de la Dernière Tangente. Ils devaient aboutir l'année prochaine. On voulait projeter nos dessins sur le château, on en rêvait. Tout est en plan, mais je tiens à ce que le projet continue pour lui rendre hommage. On était dans la vie, le trou est énorme, c'est un effondrement et il faudra se relever."

Pierre-Alain Bertola sera inhumé vendredi 24 août.

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