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L'aventure débutera bien avant les premières minutes du spectacle. Entourée de mystère, la création de Jonathan Capdevielle, intitulée Spring Rolle, se déroule en extérieur, "dans un lieu que les organisateurs tiennent absolument à garder secret, proche de Rolle." Les spectateurs venant de Nyon et de Lausanne seront pris en charge par des bus. Durant le trajet, le spectacle commencera déjà par la magie d'une voix préenregistrée. Le rendez-vous est fixé au Casino Théâtre de Rolle, où tous les spectateurs seront emmenés à destination, au rythme des flots du Léman. C'est là, sur un territoire chargé d'histoire, se muant en scène à ciel ouvert, que se déroulera la représentation qui bouleversera les codes. La limite entre spectateurs et artistes sera abolie, puisqu'il n'y aura ni scène ni gradin. Tout l'espace de cette ancienne cité lacustre sera dédié au spectacle, avec des comédiens jaillissant de toutes parts.
Le Far a fait appel à Jonathan Capdevielle, un artiste français, pour créer ce spectacle inspiré de ce lieu atypique. L'artiste l'a visité, a rencontré Paulette Fahrner-Ferrari, historienne et guide de la ville de Rolle, qui lui a transmis ses connaissances sur l'histoire de cet endroit énigmatique, ma is aussi de la région et du canton, du lointain Moyen Age à nos jours. "C'est avant tout un hommage à l'histoire du lieu" , relève Jonathan Capdevielle.
Un hommage qui n'aura rien de conventionnel. Le spectacle mêle différents registres, entre récit historique et fiction, avec de fréquentes envolées dans un monde imaginaire débridé. L'idée étant de déployer les différentes époques évoquées par le récit historique sur un mode déjanté, parfois. On passera ainsi de scènes chevaleresques à des évocations proches de la science-fiction. Le fil rouge historique est assuré par le récit, en voix off, de Paulette Fahrner-Ferrari. Une vérité historique entremêlée elle-même d'anecdotes plus personnelles de la narratrice. "On assistera à des tressages transhistoriques et transgenres" , relève énigmatique Jean-Luc Verna, comédien et performeur. "Il y aura une succession de décrochages, de brouillages: les performeurs viendront troubler le monologue de l'historienne et chahuter son récit" , précise Jonathan Capdevielle.
Feu de joie en apothéose
Connu pour explorer les univers en marge, l'artiste s'est inspiré notamment d'une tradition historique hors normes, afin de transcender le récit historique lui-même. Dès 1846, et pendant de nombreuses années, les étudiants de la société de Belles-lettres, de Lausanne d'abord, puis ensemble avec Genève et Neuchâtel, se rendirent rituellement sur l'île de La Harpe, à Rolle, au pied de l'obélisque, symbole de liberté. Ils y organisèrent des spectacles pour eux-mêmes mais aussi des festins mémorables dont l'exubérance a pu choquer les Rollois.
Un esprit que Jonathan Capdevielle a voulu restituer dans sa création, en mêlant à la fois l'exubérance de la création artistique à celle d'une atmosphère festive. Ainsi et fidèle à la thématique de cette 28 e édition du Far, intitulée Sensationnel, la création se veut aussi extraordinaire que spectaculaire, faisant appel à pratiquement tous les sens et sollicitant les sensations des spectateurs - frôlements de personnages émergeant de l'obscurité, feu réchauffant l'atmosphère et éclatant au milieu de la nuit. Tous les arts de la scène y seront représentés. On assistera par exemple à une reprise déjantée de la comédie musicale Lily Passion, emmenée à l'origine par Barbara et Gérard Depardieu. Une atmosphère d'étrangeté renforcée par l'avancée du crépuscule et un espace éclairé par les lueurs de quelques flambeaux. En outre artistes et public vivront une succession d'invasions du territoire. "Le public et nous, interprètes, ne seront à l'abri de rien" , relève Jonathan Capdevielle. Convoqué par l'imaginaire, ce lieu se démultipliera à l'infini, permettant à chaque spectateur de s'approprier ce bout de terre promise.