Votre publicité ici avec IMPACT_medias

François Gremaud poétise l'existence

Le metteur en scène place l'humour, la poésie et l'homme au centre de ses créations. Qui sont à découvrir dès demain dans le cadre du Festival des arts vivants (8 au 18 août) à Nyon.

08 août 2012, 08:57
François Gremaud, metteur en scène et fondateur de 2b company.

Artiste associé au Far depuis l'année dernière, François Gremaud présentera avec 2b Company, deux créations décalées et drôles: "RE", dès demain et - attention jeu de mots - "Simone, two, three, four" dès dimanche. Le premier met en scène sept chevelus qui accueillent un porteur de verres et qui s'engagent dans une initiation qui révèle le lien originel du groupe. Quant à Simone, la pauvre a glissé sur une crotte de chiens et elle s'effondre sur un trottoir à la sortie d'un café. Pour Jean-Claude, Martine et Alejandra, cet incident est un prétexte pour raconter leurs vies cabossées. A la veille de la première, François Gremaud est prêt, décontracté, à l'aise, souriant, les yeux couleur piscine rieurs.

Avec "RE" et "Simone", il n'y a pas eu de travail d'écriture mais d'improvisation. Comme les spectacles se construisent? 
Avec Simone, le texte a été écrit, mais il a été passablement modifié au fil des répétitions. J'ai travaillé avec le plasticien Denis Savary, scénographe sur cette pièce qui a apporté son univers. Puis je me suis intéressé à comment les comédiens s'apprivoisaient les objets et la scène. Le texte a été épuré. Je trouvais bien plus intéressant de jouer avec les objets plutôt qu'avec les mots. J'ai tellement aimé cette manière de procéder que j'ai voulu "RE"travailler et "RE"vivre cette expérience à travers une nouvelle création, "Re". Les deux oeuvres sont cousines. 

Cela nécessite une immense confiance en les comédiens.
Je dois admirer les comédiens, j'ai choisi des personnes avec qui j'ai l'habitude de travailler, susceptibles d'entrer dans ce type de démarche et qui acceptent d'aller sans savoir où... Ce n'est pas facile car on ne trouve pas tout, tout de suite. En amont, j'entreprends un important travail de recherches dramaturgiques. Je collecte énormément de matières, des documents philosophiques, des données sur l'univers plastique qui sera proposé. Deux ou trois mois, avant la création, j'adresse aux comédiens quelques notes afin qu'ils puissent s'imprégner de cette matière. 

Quel est votre rôle dans le processus de création?
J'assure la cohérence de l'univers, j'opère des choix dramaturgiques, je lance des impulsions. C'est un travail de compositions.

Il n'y a pas d'écoles pour les arts vivants, comment progressez-vous?
J'ai une formation de metteur en scène à l'Institut national supérieur des arts du spectacles à Bruxelles.  Une école qui part du principe que l'on ne peut pas former des metteurs en scène, mais qui peut nous donner un maximum d'outils pour élargir notre champ du possible (histoire de l'art, droit d'auteurs, philosophie, anthropologie, scénographie..), l'idée est de nous apprendre où aller puiser ce qui est important.
A la base, il y a la curiosité. Je vois énormément de spectacles, cela me forme l'oeil, comme un amateur de vins goûte à de nombreux nectars pour former son palais. Il faut également avoir de bonnes connaissances en histoire de l'art, littérature, peinture, danse... Cela s'aprend avec le temps

Finalement, les arts vivants, n'est-ce pas un retour à la simplicité?
Je pense effectivement qu'il s'agit d'une réaction. Tous les jours nous sommes bombardés d'images, tout est fort élaboré, il n'y a qu'à voir la cérémonie d'ouverture des J.O... L'humain a tendance à disparaîtret. On pousse les gens vers la perfection. Les arts vivants sont un retour vers la simplicité. Car le plus important, c'est l'homme perfectible, maladroit, loin d'être un virtuose, tout cela le rend accessible et touchant. C'et ce qui m'intéresse avant tout. C'est de repoétiser le monde sans le dire, c'est à la portée de tous. On pourrait poétiser le monde très simplement.  On n'a pas besoin de toujours tout comprendre. Quand on voit un arbre ou une fleur, on trouve ça beau, il est inutile de comprendre l'arbre ou la fleur. Moi en tant que spectateur je n'ai pas besoin d'aller aussi loin. Il faut s'abandonner, accepter de sentir, davantage que de penser. La sensation plutôt que la réflexion.

Dans votre univers, l'humour semble essentiel?
Oui, c'est l'unique manière que j'ai de fonctionner. L'humour peut contenir toutes les émotions. On peut dire des choses graves avec humour, mais dans des choses graves, je ne sais pas où est l'humour. C'est important aussi d'étonner. L'étonnement est à la base de la pensée. Je travaille beaucoup sur l'étonnement car il est à la base de l'humour. J'aime beaucoup ce genre de festival, les gens ont peur de ne pas tout comprendre, j'attends aussi que tout ne soit pas prémâché, comme dans les séries. Moi je comprends me spectacles six mois après et encore. 

Finalement, savez-vous ce que vous cherchez?
Plus j'avance, plus j'ai l'impression que ce je cherche à exprimer, c'est la tendresse que je ressens pour l'humain. Il sait qu'il va mourir à un moment donné, que tout cela va disparaître, mais il fait, Je trouve cela bouleversant, malgré cette unique certitude. Cette lutte contre quelque chose d'inéluctable, c'est ce qui rend l'humain émouvant. Comment trouver le langage ou la forme pour exprimer au mieux cette pensée, comment partager cette forme d'admiration pour le non-sens de la vie? Tout cela est très étonnant. On va sur Mars, c'est prodigieux et dérisoire, mais c'est beau. 

En filigrane, on ressent aussi une sorte de mélancolie chez vous?
Il y a toujours quelque chose de mélancolique. Je me sens très proche de Christoph Marthaler. On n'est pas des rigolos ou des comiques, même si nos spectacles sont très drôles. Pourquoi il y a cette mélancolie? Parce que cela me touche. Un jour tout cela va disparaître, à partir du moment où je le dis, c'est déjà du passé, cela a filé. 

Spectacles:

"RE", Mercredi 8 et jeudi 9 août, 21 heures, Usine à gaz

"Simone, two, three, four", à 19h, Petite Usine.

Votre publicité ici avec IMPACT_medias