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"Je compte bien être là pour les 50 ans"

Depuis vingt ans, les Docteurs Rêves redonnent le sourire aux enfants. André Poulie a créé la fondation Théodora avec son frère. Retrouvez notre interview intégrale.

30 janv. 2013, 00:01
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L'idée leur est venue il y a vingt ans. Aujourd'hui, les frères André (48 ans) et Jan (49) Poulie sont à la tête d'une des plus fameuses fondations de Suisse. Les Docteurs Rêves de Théodora parcourent les hôpitaux de Suisse et du monde entier depuis deux décennies et ne sont financés que par des partenariats et des dons. Les deux entrepreneurs sont nés aux Pays-Bas avant que leurs parents viennent s'établir sur La Côte, à Aubonne, lorsqu'ils étaient âgés de deux et trois ans.

A l'occasion du vingtième anniversaire de l'organisation basée à Lonay, une semaine de conférences et festivités est organisée à l'institut Le Rosey, à Rolle. Le président de la fondation, André Poulie, ancien Roséen comme son frère, s'est fait un plaisir de raconter son "bébé". Le résidant d'Aubonne se réjouit notamment de la présence cette semaine de Michael Christensen, l'un des pionniers dans le domaine des clowns d'hôpitaux. Le fondateur du Big Apple Circus a d'ailleurs ramené et dédicacé le numéro du magazine "Life" qui avait inspiré André Poulie lors de ses études en Californie. L'ancien étudiant en sciences politiques ne cache pas son émotion lorsqu'il ouvre le périodique.

André Poulie, comment avez-vous pris la décision de lancer cette fondation?

Nous avions des parents très attentionnés. Ma mère Théodora, qui a donné son nom à la fondation, avait un humour très subtile et coloré. A 10 ans, à force de trop jouer avec la tondeuse à gazon, j'ai connu un grave accident. Au CHUV, j'ai subi 14 opérations en deux ans. Les quatre heures de visite (le maximum par jour) étaient totalement occupées par ma mère. J'arrivais à m'évader grâce à Théodora, mon rayon de soleil quotidien. Je m'étais également amuser à confectionner des pistolets à eau avec des seringues. Mon père a ensuite dû faire face à un cancer. Ma mère nous a beaucoup aidés dans cette épreuve. Elle était très forte. Grâce à elle, nous avons pu installer une "unité" de soins palliatifs à la maison. De mon côté, après mes études, j'ai commencé à travailler dans le marketing, notamment dans le canton de Neuchâtel, mais lorsque ma mère a dû à son tour affronter un cancer, j'ai quitté mon emploi pour revenir vivre avec elle à Aubonne. Après son décès, on a décidé de faire quelque chose en sa mémoire. C'est alors que je me suis rappelé d'un article de "Life" sur les clowns d'hôpitaux et que nous avons décidé de nous lancer, en avril 1983. On est tombé sur un docteur très ouvert ainsi que sur une cheffe infirmière que je connaissais déjà à la suite de mon hospitalisation. La fondation est née en septembre de la même année, après que les premiers artistes ont été très bien accueillis. Créée à Aubonne, son siège se situe désormais à Lonay. Nous sommes très attachés à La Côte.

Comment avez-vous réussi à vous faire une place dans les hôpitaux?

Nous avons eu la chance de tomber sur un personnel hospitalier très accueillant dès le début. Mais il est clair qu'il n'y avait pas encore d'artistes de ce type en Suisse et il a fallu convaincre tout ce monde que les Docteurs Rêves n'étaient pas des clowns usuels mais pouvaient apporter un plus. Ils jouent le rôle de vrais docteurs, mais dans les rêves d'enfants.

Quelle est la formation que doivent suivre les Docteurs Rêves?

Elle est très poussée. En Suisse, celle-ci se passe à l'école de soins infirmiers de La Source, à Lausanne. Des cours sont donnés durant cinq semaines, réparties en quatre mois. Les aspects théoriques, pratiques, de l'hygiène ou de l'improvisation sont étudiés. Chacun utilise ses qualités. Le travail consiste pour moitié en des connaissances du milieu hospitalier, et pour moitié du milieu artistique. Avant de pouvoir travailler en solo, les clowns effectuent des visites en équipe durant près de deux ans. A noter que cet emploi reste auxiliaire. Les Docteurs Rêves travaillent au maximum six après-midi (32 heures) par mois. Il est important pour nous que les artistes aient une activité annexe, afin de rester motivés et de se diversifier. De garder un pied dans le domaine artistique.

Cette qualité de formation vous donne une certaine crédibilité.

En effet. C'est également cela qui nous a permis de rapidement nous développer à l'étranger. Dès 1994, nous avons pu nous implanter en Biélorussie. Dix jours plus tard, nous étions à Londres, dans un des hôpitaux psychiatriques les plus réputés, avant de couvrir une bonne partie de l'Europe et Hong-Kong. Nous avons également développé des projets au Brésil, en Afrique du Sud, en Australie ou aux Philippines grâce à un partenariat avec une compagnie aérienne. Nos programmes ont ensuite été adoptés par d'autres fondations car il était difficile pour nous de les gérer à distance. Nous avons recentré nos activités sur l'Europe.

Comment évolue la fondation?

Aujourd'hui, nous avons près de 200 Docteurs Rêves dans le monde, dont 58 en Suisse. Après 20 ans, on a le droit d'être fiers et de se congratuler durant cette semaine. Mais on va rapidement se mettre au travail. Je compte bien être là pour les 50 ans de la fondation.

Comment gérer le financement d'une fondation dont le budget est de plus de 6 millions?

Notre force est d'avoir des partenaires très fidèles, qui nous aident beaucoup. Au début, on y a été de notre poche. Rapidement, une banque nous a proposé un partenariat. Les frais administratifs sont principalement payés par les entreprises. Quant aux donateurs privés, ils savent que leurs dons vont en très grande partie aux visites. Par ailleurs, les familles qui ont pu profiter de nos services pensent souvent à "rendre la pareille". Lorsqu'on aide un enfant, sa famille est touchée également. C'est très touchant pour nous. Nos donateurs sont fréquemment remerciés personnellement.

Vous avez l'avantage de donner des "bonnes nouvelles" dans un univers plutôt triste.

En effet, nous nous occupons du côté enfant et non du côté patient. On est là pour s'amuser, tout en respectant le personnel hospitalier, qui reste prioritaire.

Pourquoi la fondation Théodora connaît-elle un tel succès?

Elle répond à un vrai besoin. En outre, elle est en contact avec le monde de l'enfance, ce qui touche directement les gens. Ensuite, grâce à notre proximité, les donateurs savent directement où va leur argent.

L'ampleur de l'organisation joue également un rôle.

Oui, c'est important pour sa visibilité, même si on ne veut pas faire dans le sensationnel.

Quelles sont les objectifs futurs?

Nous allons évidemment continuer à travailler avec les enfants. Nous essayons de toucher les enfants handicapés. C'est pour cela que sur La Côte, outre les hôpitaux de Nyon et Morges, nous travaillons avec la fondation Perceval, à Saint-Prex. Actuellement, nous visitons 15 institutions. L'objectif est d'en rejoindre 40 d'ici 10 ans. En Europe, nous souhaitons maintenir nos programmes dans une situation de crise et saisir les opportunités. La qualité de nos services est un gage de réussite.

Travaillez-vous sur de nouvelles techniques?

Oui, évidemment. Le milieu évolue constamment. En ce moment, nous expérimentons en Espagne des visites préchirugicales. Le succès est au rendez-vous car les enfants sont beaucoup plus calme au moment de l'opéraiton. Il existe une possibilité d'introduire cette technique en Suisse. Mais il ne faut pas vouloir aller tout révolutionner. Nous travaillons dans un milieu compliqué. Le but est aucunement de ridiculiser les médecins, qui réalisent un travail admirable. Nous faisons très attention au secret médical. Mais c'est remarquable d'avoir été acceptés si rapidement.

L'une ou l'autre anecdote vous a-t-elle plus touchée qu'une autre durant ces vingt ans d'existence?

Il y a eu énormément de moments forts, notamment durant les programmes à l'étranger. Je me rappelle d'un de nos artiste, très gravement accidenté, en voiture, en Biélorussie. Grâce à notre intervention rapide, depuis la Suisse, on a pu le sauver. Aujourd'hui, il est encore en activité. Cet incident s'est passé à Berezina, cela ne s'invente pas! On a également eu plein d'autres bonnes nouvelles, dans le monde entier.

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