Votre publicité ici avec IMPACT_medias
10

La 70e désalpe pour les Prélaz

Cette édition était très émouvante pour Marc Prélaz et les siens.

30 sept. 2013, 00:01
data_art_7406420.jpg

info@lacote.ch

La désalpe de Saint-Cergue est une fête qui prend au coeur. Mais celle de samedi, elle sentait la famille, la tradition, les valeurs et l'amitié pour la famille Prélaz qui marquait sa 70 e désalpe. Debout à 3h30, Marc Prélaz est le chef d'orchestre du jour. A l'alpage La Baronne, juste au-dessus de La Cure, mais sur la commune de Givrins, il donne ses ordres. Ses fils et les amis sont là pour attacher cloches et toupins autour du cou des vaches. Et ce n'est pas une mince affaire. Les bêtes sentent que l'heure est venue de redescendre en plaine. Elles sont nerveuses, excitées. "Il suffit qu'elles entendent le son des cloches pour comprendre , dit Jorge Susa, le beau-frère de Marc. "Ce toupin, je le mets à laquelle?" demande un copain. "A Sonia" , répond Marc Prélaz. "Et c'est laquelle? Parce que la seule Sonia que je connaisse, c'est ma femme."

Marc Prélaz connaît ses 96 vaches par leur prénom. "Sonia", bien qu'un peu farouche et entêtée et "Tornade" seront parmi les 14 vaches qui arboreront un toupin - le plus lourd pèse 14 kilos - et seront coiffées d'un sapin fleuri. "C'est ma femme Fernande qui prépare les bouquets, elle a fabriqué 60 fleurs par arbre; tous les soirs, pendant que je ronflais devant la télé, elle faisait les décorations" , relève fièrement Marc.

 

Fernande Prélaz, une femme dynamique

 

Jorge, le beau-frère, est de toutes les désalpes. "Chaque année, j'attends ça, je demande congé six mois à l'avance, précise celui qui est devenu chauffeur de bus. C'est une partie de plaisir, personne ne m'oblige à venir. J'ai travaillé à l'alpage de 1983 à 1988. Je suis venu du Portugal comme berger. Un jour, lors d'une désalpe, j'étais au téléphone avec ma soeur, elle entendait les cloches et m'a demandé ce que c'était. Je lui ai raconté. Elle est venue en Suisse." Pour ne plus repartir. Marc Prélaz et Fernande sont tombés amoureux. "Si je n'avais pas la femme que j'ai, je n'aurais plus le domaine. Nous sommes ensemble depuis 20 ans, on ne s'est pas quitté un seul jour. J'ai une femme dynamique et nous avons trois garçons Cyril, Mathias et Gabriel. Tous présents samedi. A Givrins, on a un magasin, tous les mercredis elle confectionne 200 kilos de terrine et de pâté, on fait un peu de viande séchée." Et pour le repas de midi auxquels sont invitées 200 personnes, elle a tout préparé: de la terrine à la soupe. Et là voilà qui arrive avec le petit-déjeuner: des plateaux de charcuterie, du pâté et du café. L'heure est à la pause. Mais il ne faut pas trop lambiner. "A 9h30, on part d'ici, nous devons être à Saint-Cergue à 11 heures, ordonne Marc Prélaz qui fait le silence. Fernande tourne avec le café et une plaque de chocolat. "Les gens qui ont l'habitude savent que le chocolat signifie que la pause est terminée , souffle cette femme menue mais volontaire et efficace. Les 14 reines du jour sont attachées à l'extérieur, le bouquet trône sur leur tête. Marc Prélaz a préparé des chemises blanches pour la famille et les proches avec le nom de l'alpage. Et pour marquer ses 70 ans, la famille a décoré un char avec trois meules de gruyère fabriqué depuis sept décennies à La Baronne. Attelé à deux chevaux, il terminera le cortège.

 

Départ en fanfare à 9h30

 

C'est le départ, un groupe de bergers volontaires a pris de l'avance pour prendre la tête du cortège, les vaches sont détachées les unes après les autres, elles se mettent à gambader, agitant la coiffe, elles prennent directement le chemin de la descente. En observant leurs congénères filer et hélé par les bergers, le reste du troupeau qui paissait dans un champ se met à courir pour suivre les reines du jour.

Excepté deux têtes de linotte qui ont choisi de prolonger leur séjour à La Baronne. Trois volontaires les poussent à rejoindre l'écurie, elles redescendront en bétaillère le lendemain.

Les apprentis gardiens du jour doivent canaliser les bêtes et courir après celles qui auraient choisi de prendre le chemin des écoliers. Et elles sont nombreuses, celles qui sont intéressées à filer dans les bois ou à être tentée par un coin d'herbe alléchant. Mine de rien, elles trottent et elles imposent un rythme soutenu. La descente ne ressemble en rien à une balade dominicale dans le Jura. A la Givrine, le troupeau est séparé en deux, pour essayer de le calmer et donner un rythme plus naturel, accompagné toujours par le son des cloches et des toupins. Fernande Prélaz tente de ralentir la cadence. Naturellement les sabots préfèrent les bordures herbeuses au bitume.

 

Photographiées comme des stars

 

Le troupeau composé de 80 à 90 vaches cohabite avec la circulation. Les voitures dépassent à l'allure du pas. Tout le long du parcours, habitants et spectateurs affichent un sourire. Un peu avant les Cheseaux, le troupeau, en avance, est stoppé. Une pause bienvenue sous les arbres, mais il faut garder un oeil sur Sonia et les autres, certaines essaient bien de filer en douce.

A 11 heures, bergers et vaches défilent à Saint-Cergue sous les applaudissements. Caméras et appareils photo immortalisent la scène. "Il y a deux ans, il y avait un car de Chinois qui étaient venus spécialement pour la désalpe. Ils nous sautaient dessus pour nous prendre en photo" , raconte un berger. Après les deux tours du Vallon, le troupeau entame la descente vers Givrins, entre les lacets de la route Blanche et la vieille route romaine. Le cuir des vaches est trempe. Elles ne sont pas les seules à transpirer. Les jambes sont lourdes et les gorges desséchées réclament de l'eau. Tout le monde tire la langue: les bergers amateurs davantage que les professionnels. Fernande, elle, continue à courir dans tous les sens. A 13 heures, le troupeau retrouve sa résidence d'hiver et son pré devant la ferme Prélaz. A la broche, un cochon tourne depuis 18 heures. Prêt à être dégusté par 200 convives.

Votre publicité ici avec IMPACT_medias