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"La population est avec nous"

Victor von Wartburg incarne le combat pour le libre accès aux rives. Son obstination trouve un large écho, mais certains regrettent son "dogmatisme".

10 juil. 2012, 00:01
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ldistefano@lacote.ch

Le combat d'une vie? "Absolument" , répond en appuyant sur chaque syllabe Victor von Wartburg. Avec cette même certitude, il déroule le tapis des arguments et ponctue sa litanie par " la loi est de notre côté" . Son discours en faveur de l'ouverture des rives du lac au public est rodé, voici plus de dix ans qu'il l'élabore.

Dix ans de travail à temps plein pour ce retraité de Mies d'origine zurichoise. Dix ans d'oppositions, d'échanges de courriers avec les autorités ou de dénonciations à coups de communiqués. Avec ténacité pour les uns, acharnement pour les autres. Une sorte de lutte des classes transposée à la promenade dominicale. Et voilà que le Rubicon pourrait avoir été franchi. Pour les riverains, ce sont les limites de la légalité qui ont été cisaillées lorsque le 22 juin, une dizaine de membres démantelaient des portails et treillis qui obstruent l'accès aux rives sur trois parcelles, deux à Tannay, une à Versoix.

 

Lectures du Marchepied

 

"Nous avons décidé de nous attaquer à ces trois cas parce qu'ils sont significatifs et nous irons jusqu'au bout , assure Victor von Wartburg. Nous avons simplement accompli le travail que les autorités n'osent pas faire." Comme prévu, quelques heures ont suffi avant que les plaintes pénales ne soient déposées contre lui et son association.

Voilà qui devrait lancer la prochaine bataille juridique. Dans sa résidence, l'ancien directeur logistique d'une multinationale enchaîne les querelles et empile les dossiers. "Il y a trente ans, j'ai commencé à m'intéresser à cette question. J'avais l'habitude de naviguer sur le lac avec mes enfants et lorsque j'accostais, des gardiens, des jardiniers, des chiens venaient me faire comprendre que je n'avais rien à faire là. Une fois, un homme est même sorti avec son fusil." Malgré ces premiers accrocs, ce n'est qu'en 2003 que l'association Rives publiques a été créée, quelques années après son retrait du monde professionnel. "Il m'a fallu dix ans pour saisir les finesses juridiques de l'accès aux rives" , confesse aujourd'hui Victor von Wartburg. En se basant sur la loi vaudoise du Marchepied de 1926 selon laquelle les rives privées doivent s'ouvrir aux douaniers, bateliers et pêcheurs, il dénonce les portails, treillis et tous les obstacles élevés sur le passage. Puis, Rives publiques s'appuie sur l'article 664 du code civil suisse: "Sauf preuve contraire, (...) les eaux publiques ne rentrent pas dans le domaine privé." Finalement, la jurisprudence est brandie comme preuve que "ni les indications cadastrales, ni l'existence de constructions autorisées" ne suffisent à justifier la fermeture du passage.

 

Pleutres autorités?

 

Alors, limpide la démonstration? Sûrement pas. L'Association des propriétaires riverains des lacs vaudois (APRIL), présidée par Me Florian Chaudet, conteste formellement l'argumentation et déplore les récentes méthodes employées par les membres. "La loi sur le Marchepied ne mentionne en aucun cas un passage pour le public", assure ce dernier . Par ailleurs, le plan des rives du lac donne pleine souveraineté aux communes pour décider du principe d'un cheminement riverain. Ce principe dépend d'une pondération complexe du prétendu intérêt public au cheminement riverain avec les intérêts privés des propriétaires riverains et divers intérêts publics incompatibles." Ainsi, Florian Chaudet dénonce une "volonté de bipolarisation du débat, une position dogmatique, simplificatrice et décalée de la réalité."

Dans la commune de Tannay, où Rives publiques a débarqué avec ses pinces coupantes, le préfet devrait intervenir en instaurant une médiation avec les services cantonaux. En attendant, la Municipalité a rappelé au militant par écrit que "la situation est sans doute beaucoup plus complexe que vous semblez le penser."

Mais Victor von Wartburg n'en démord pas et dénonce sans relâche le "laxisme des autorités" et leur inféodation à une minorité influente et aisée, les pieds dans l'eau. Une position qui lui a valu des relations tendues avec les élus de son bourg, comme ce fut le cas avec Patrice Engelberts, ancien riverain et ex-syndic de Mies.

 

Un "Franz Weber"

 

Aujourd'hui, l'association de Victor von Wartburg ne séduit pas uniquement des baigneurs en mal de grève publique. Elle peut compter sur deux vices-présidents influents: Victor Ruffy, jadis conseiller national socialiste et président de la Commission des rives vaudoises du lac Léman, et l'avocat genevois Cyril Mizrahi. Mais qu'on ne s'y méprenne pas, s'il faut attribuer un visage à la lutte contre l'accès continu aux rives, c'est le sien. Alors l'analogie avec Franz Weber saute aux yeux. Avec des revendications qui trouvent un écho favorable chez une majorité de citoyens, ils subissent tous deux l'opprobre des milieux directement concernés.

La ressemblance avec Franz Weber pourrait même s'accentuer d'ici quelques années. Car une initiative populaire fédérale est "dans le congélateur" , selon Victor von Wartburg. Rives publiques attend simplement les verdicts de deux affaires en cours en Suisse alémanique - à travers Patrimoine suisse, l'association s'est opposée à des projets immobiliers sur les rives du lac de Zurich - pour " juger de la nécessité de lancer l'initiative" , confie le tribun de Mies. Avec certitude, car "si on va aux urnes, une large majorité de la population s'exprimera en faveur d'un cheminement continu le long des rives des eaux publiques suisses." Sur ce point, difficile de lui donner tort.

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