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La tutelle de Zao Wou-Ki attise les convoitises

Malade, le célèbre peintre franco-chinois est hospitalisé à Nyon. Dans le même temps, les décisions de justice tombent d'un côté et de l'autre de la frontière. La bataille familiale continue.

08 avr. 2013, 00:01
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Rappel des faits

L'installation à Dully de Zao Wou-Ki et de sa femme Françoise Marquet en octobre 2011 n'a pas été du goût du fils de l'artiste Jia-Ling Zhao. Ce dernier reproche à sa belle-mère d'avoir emménagé en Suisse contre l'avis du peintre malade. Derrière l'aspect émotionnel de l'affaire, un immense héritage est en jeu, les tableaux du maître franco-chinois se vendant à plusieurs millions de francs. L'inventaire de la collection transportée en Suisse est contesté. La tutelle du peintre s'en retrouve convoitée de part et d'autre de la frontière.

Françoise Marquet se défendait le 28 août dernier dans nos colonnes. L'épouse de Zao Wou-Ki, compagne du peintre depuis 40 ans, n'accepte pas les accusations formulées par le fils du peintre issu d'un premier mariage, Jia-Ling Zhao (66 ans), qui estime que son père, incapable de discernement depuis plusieurs années, aurait souhaité finir ses jours dans sa maison parisienne, et non sur les bords du Léman, dans l'imposante villa louée à Dully. Il en va de même pour la collection personnelle de l'artiste, qui a également été transférée en Suisse.

Aujourd'hui, le grand Officier de la Légion d'honneur est hospitalisé à Nyon pour la deuxième fois en quelques jours car il souffre d'une pneumonie. Depuis quelque temps, son fils se rendrait par ailleurs bien plus souvent que ces dernières années au chevet de son artiste de père.

Deux tutrices désignées à Paris

La bataille juridique engagée au début de l'an passé vient de connaître de nouveaux épisodes. Une plainte pénale contre X déposée par Jia-Ling Zhao pour abus de faiblesse a été classée sans suite en France. Au civil, la justice tricolore, qui s'était dans un premier temps déclarée incompétente pour nommer les tuteurs de Zao Wou-Ki, vient toutefois de changer son fusil d'épaule. Sur demande de Jia-Ling Zhao, la cour d'appel de Paris a désigné le 19 mars deux tutrices pour gérer les affaires du peintre, l'une pour sa santé, l'autre pour effectuer l'inventaire du patrimoine (dans les trois mois qui viennent), avec l'aide éventuelle d'un expert. Tout cela sous l'oeil de Jia-Ling Zhao, désigné pour contrôler leurs actes. "On a été roulé dans la boue, lâche Jean-Philippe Hugot, son avocat. Notre seul intérêt est de protéger la santé de Zao Wou-Ki."

Selon certaines sources, ces deux tutrices auraient envisagé de se rendre en Suisse pour faire appliquer leurs droits en fin de semaine passée. Le jugement français précise que Françoise Marquet "ne pouvait ignorer qu'elle ne pouvait représenter son conjoint sans autorisation judiciaire" . Ancienne conservatrice, elle gère pourtant la collection de son mari depuis plusieurs années. "Nous allons faire recours pour que la procédure française soit invalidée" , affirme Françoise Marquet.

De ce côté de la frontière, la femme de 66 ans avait été désignée comme tutrice provisoire de Zao Wou-Ki, en compagnie de l'avocat Marc Bonnant, ami de la famille, en mai dernier. "Nous avons demandé la tutelle dans un souci de transparence et de clarté" , martelait alors le ténor du barreau genevois. "Chaque décision doit être avalisée par l'autorité tutélaire" , insiste-t-il.

Les justices française et suisse s'opposent

Sauf qu'il y a douze jours, le Tribunal cantonal vaudois a décidé de les relever de leur fonction et de nommer de nouveaux curateurs, sans que les considérants de la décision aient encore été rendus. Les curateurs actuels restent toutefois en place jusqu'à ce que la Justice de paix à Nyon statue à nouveau. "Le tuteur n'a pas beaucoup d'importance, répète Me Bonnant. Mais je trouve les démarches de Jia-Ling Zhao déplacées vis-à-vis de son père, et de Françoise Marquet, dont le dévouement est exemplaire."

Les justices française et suisse se renvoient donc la balle. "Les tribunaux parisiens n'ont pas de compétence territoriale, assure Bertrand Demierre, avocat lausannois de Françoise Marquet. Zao Wou-Ki réside en Suisse. Mais les deux ordres juridiques s'ignorent et à un moment, il va falloir trancher." Afin de remédier à cette situation, le clan du fils a demandé le 26 mars à la Chambre vaudoise des curatelles à ce que la mesure soit déclarée exécutoire du côté helvétique de la frontière. "Nous n'avons pas encore reçu de réponse" , précise Me Hugot, qui ajoute que "la vraie résidence de Zao Wou-Ki se trouve en France comme sa famille et ses amis. C'est ce qui ressort du jugement français." L'avocat parisien cite notamment une autobiographie du peintre écrite en 1986 dans laquelle celui-ci avoue ne plus aimer les voyages.

Un éventuel testament réalisé en 1997 qu'avaient évoqués l'an passé Françoise Marquet et Marc Bonnant à "La Côte" ne semble donc pas apaiser les deux parties. Quant au fait que la fiscalité est plus avantageuse en Suisse (le couple Wou-Ki - Marquet bénéficie notamment d'un arrangement et l'impôt sur la succession est moindre), Me Hugot s'en moque: "On s'en fiche! On regrette uniquement que la volonté du peintre de rester vivre en France ne soit pas respectée."

Le fils craint que des tableaux aient été vendus

L'oeuvre du peintre n'est pourtant pas oubliée. L'appropriation du patrimoine de Zao Wou-Ki par Françoise Marquet inquiète particulièrement Jia-Ling Zhao. "Il manque des oeuvres sur la liste que nous a fournie Françoise Marquet. Depuis le déménagement en Suisse, quatre tableaux ont été vendus, lance Me Hugot. Me Bonnant avait pourtant affirmé le contraire dans vos colonnes!" L'avocat genevois se défend en assurant qu'aucun tableau n'a été cédé depuis qu'il est tuteur de Zao Wou-Ki. "De toute façon, il aurait fallu obtenir l'aval de l'autorité tutélaire" , souligne-t-il.

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