Votre publicité ici avec IMPACT_medias

Les dernières "Visions" de Luciano Barisone

La 48e édition du festival du film documentaire s'achèvera ce vendredi soir, à Nyon. Elle marque le départ de Luciano Barisone, son directeur, en poste depuis 2011. Interview "clap" de fin.

27 avr. 2017, 15:44
/ Màj. le 28 avr. 2017 à 08:00
A 68 ans, le directeur du festival tire sa révérence. Sa plus grande fierté: avoir participé à la démocratisation du festival.

Il l’avait dit lui-même au moment de son engagement: un directeur de festival ne doit pas rester en poste trop longtemps, au risque de voir la routine émousser sa motivation. Dont acte. Sept ans après avoir succédé à Jean Perret à la tête de Visions du Réel, Luciano Barisone a décidé de tirer sa révérence. Il remettra ses clés à Emilie Bujès, 36 ans, l’été prochain. En guise de "clap" de fin, l'Italien de 68 ans nous a accordé un dernier entretien.

Luciano Barisone, vous voilà arrivé au terme de cette semaine de festival. Quel est votre bilan?

Très positif. Avant même le début de l’édition, j’étais déjà très satisfait des films programmés. Nous avons pu mettre la main sur de très belles œuvres. Je suis également très heureux de la production locale présentée cette année. Les écoles romandes de cinéma forment vraiment de bons réalisateurs, compétents au niveau technique mais aussi très inspirés. Quant à la fréquentation, elle confirme notre succès. Elle devrait, comme en 2016, atteindre les 40 000 spectateurs. Mais ce dont je suis le plus fier, c’est de n’avoir jamais avoir croisé autant de jeunes spectateurs que cette année.   

Il s’agit de votre dernière édition à la tête du festival. Comment l’avez-vous vécue à titre personnel?

(Silence) Lorsque j’étais enfant, mon père et ma mère me disaient souvent: ‘‘prima il dovere poi il piacere’’ (‘‘D’abord le travail, ensuite le plaisir’’). C’est un adage qui m’a suivi tout au long de mon existence. Travailler pour Visions du Réel a donc toujours été à la fois un plaisir et un devoir. Y mettre un terme, c’est la conclusion d’une démarche très personnelle.   


"C'est très émouvant pour moi de rencontrer des gens au marché qui me disent: alors, on ne vous verra plus?"
 

Mais votre sentiment, au moment de tirer votre révérence, quel est-il?

Celui du travail accompli. Bien sûr, j’ai un peu de mal à quitter ce festival, cette ville aussi, où j’ai vécu durant sept ans. D’autant plus que j’y ai été très bien accueilli. Je ne m’y suis jamais senti comme un étranger. C’est très émouvant pour moi de rencontrer des gens au marché de Nyon, qui me disent: ‘‘alors, on ne vous verra plus ici?’’ J’adorais aller au marché. C’était l’endroit parfait pour capter les impressions de nos spectateurs, leur attachement au festival.

Quels sont précisément les motifs de votre départ?

Au moment de m’engager, il y a sept ans, le président du festival (Claude Ruey) m’avait demandé combien de temps je comptais rester. Je lui avais répondu ‘‘entre 5 et 10 ans’’. Il ne m’a jamais paru bon d’occuper ce type de job plus longtemps. Au-delà, on commence à s’habituer à la fonction, à opter pour la facilité. Il est important de rester dans le défi. Sinon, on finit par s’endormir un peu.
 

"J'ai toujours été convaincu que le type de cinéma que nous proposons pouvait devenir populaire."
 

Quelles sont vos plus grandes fiertés au terme de ces sept années?

Il y en a deux. Premièrement, l’énorme réseau que nous avons développé au niveau international. Visions du Réel est désormais hyper reconnu sur le plan mondial. Deuxièmement, le fait d’être parvenu à élargir notre public. J’ai toujours été convaincu que le type de cinéma que nous proposons pouvait devenir populaire.

Sous votre règne, la fréquentation du festival a effectivement doublé, passant de 20 000 à 40 000 festivaliers. Quel est votre secret?

Les festivals de cinéma sont dirigés par des professionnels. Des gens qui deviennent souvent de plus en plus raffinés et exigeants au fil du temps. Du coup, ils ont tendance à oublier les racines de ce type d’événement, en opérant des choix de plus en plus radicaux. Cela crée une sorte de mépris vis-à-vis d’un certain public. Dans ma programmation, j’ai donc essayé de mélanger l’élitaire et le populaire, autrement dit des films qui racontent des histoires. L’impact de choix a été extraordinaire: les pros ont redécouvert le plaisir du cinéma populaire et le grand public découvert celui du documentaire plus pointu. 

Votre stratégie de communication a également joué un rôle?

Oui, bien sûr. Les personnes en charge de ce service du festival ont vraiment fait du très bon travail ces dernières années.

Et des regrets, en avez-vous?

(Il réfléchit) Non, aucun!
 

"Accepter le poste de directeur de festival n'est pas un aboutissement mais le début d'un long chemin."
 

Votre successeuse, Emilie Bujès, prendra ses fonctions le 1er août. Quels conseils lui donneriez-vous?

Rester humble. C’est très important lorsque l’on occupe une telle fonction. En tant que directeur, vous êtes amené à faire des choix constamment. Vous sélectionnez des films, vous en laissez d’autres de côté. Mais vous devez toujours rester conscient que les œuvres que vous ne retenez pas méritent d’être respectées. Il faut bien garder en tête qu’accepter un tel poste n’est pas un aboutissement mais le début d’un long chemin. 

Quels sont les défis que le festival devra relever ces prochaines années?

Il faudra continuer à consolider l’assise de l’événement. Le festival aura aussi besoin d’infrastructures supplémentaires, pour être plus efficace et plus précis dans l’accueil du public. C’est une problématique qui devra être discutée avec les autorités, pour obtenir plus de moyens. Enfin, pourquoi ne pas étendre le festival à une commune supplémentaire? Nous l’avons fait avec Gland. Mais pourquoi pas une antenne à Coppet, par exemple?

Et vous? Qu’allez-vous faire désormais?

J’ai passé mon existence à bouger. J’ai grandi à Gênes puis je me suis installé dans le Val d’Aoste. Ensuite, je suis parti pour Florence, où j’ai dirigé le Festival dei Popoli, avant de m’établir à Nyon. Aujourd’hui, j’ai envie de rentrer en Italie, à Aoste, où je me sens véritablement à la maison. Je me lancerai peut-être dans une activité de producteur ou de consultant. Mais pour être sincère je n’ai pas de plans. Tout ce que je sais, c’est que ma femme et moi nous avons envie de nous construire une nouvelle vie.

Votre publicité ici avec IMPACT_medias