Archéologue? Ça n’est pas un métier! Du moins c’est ce que pensait Jordan Anastassov, lorsqu’il était enfant. Biberonné aux histoires mystérieuses de civilisations anciennes que lui racontait son grand-père, il imaginait l’activité réservée aux aventuriers. Quelque chose qui n’était pas à sa portée.

Preuve qu’il se trompait: aujourd’hui âgé de 46 ans, il a mené de nombreuses fouilles en Suisse et en Europe. Certes, comme un scientifique et non comme l’un des héros fantasmés de son enfance. Et aujourd’hui, le voilà propulsé à la tête du Musée romain de Nyon. Il en a repris les rênes il y a trois petites semaines, succédant à Véronique Rey Vodoz partie à la retraite.

Je sens qu’il y a un vrai potentiel d’exploration pour ce musée.

Jordan Anastassov nouveau conservateur du Musée romain

Visiblement, le Genevois est aux anges. «J’ai été extrêmement bien accueilli à Nyon, se réjouit-il. Je sens qu’il y a un vrai potentiel d’exploration pour ce musée. Tout est ouvert ou presque. Il y a plein de choses à imaginer!»

Par exemple? Créer des occasions de fête et mettre en valeur les découvertes faites dans l’espace public.

Son objectif serait aussi de contribuer au développement du festival du film d’archéologie, unique en Europe, et de donner au musée une dimension plus tactile: «Ne rien pouvoir manipuler peut avoir quelque chose de frustrant pour les visiteurs. J’aimerais y remédier, dans la mesure du possible.»

En bref, Jordan Anastassov veut faire de ce musée un lieu vivant, pour qu’un maximum de gens s’intéressent au passé romain de Nyon.

Un imaginaire façonné dans les ruines bulgares

Son intérêt à lui pour l’archéologie, il le doit sans doute à la Bulgarie, sa terre natale. «C’est un carrefour des civilisations. On y trouve beaucoup de colonnes, d’églises, de forteresses en ruine. Tout cela a beaucoup stimulé mon imagination lorsque j’étais enfant.»

Il a vu le jour pile au mitan des années 1970. Son père était diplomate, sa mère architecte. Et, à l’âge de deux ans, il quitte une première fois le pays pour la Suisse avec ses parents. Quelques années plus tard, la famille rentre au bercail avant de repartir pour la Belgique cette fois-ci.

J’ai toujours gardé des liens très forts avec la Bulgarie.

Jordan Anastassov nouveau conservateur du Musée romain

C’est lorsque le jeune Jordan a 10 ans que ses parents s’installent finalement à Genève. «Mais j’ai toujours gardé des liens très forts avec la Bulgarie, précise-t-il. La plupart des membres de ma famille y vivent et je suis parfaitement bilingue.»

Depuis vingt ans, il se rend aussi fréquemment sur le site archéologique de Sboryanovo, au nord-est du pays. Il espère d’ailleurs pouvoir continuer d’y mener des fouilles, sporadiquement, en parallèle de son engagement au musée.

Marqué par le milieu squat

Au cœur des années 1990, Jordan Anastassov fait donc son adolescence dans la Cité de Calvin. Il est intéressé par l’art en général et s’abreuve assidûment dans le milieu squat, alors en pleine effervescence. «Me plonger dans cette culture bouillonnante a été une expérience de vie unique.»

Le conservateur du Musée romain de Nyon est aussi un passionné de musique. Photo: Cédric Sandoz

Pas étonnant, donc, que ce père de deux enfants âgés de 8 et 12 ans vive aujourd’hui dans une coopérative d’habitation participative. «Les limites de notre logement ne s’arrêtent pas à la porte de l’appartement, explique-t-il. Certains espaces sont communs, on prend des décisions ensemble. C’est un modèle que je trouve très intéressant et qui permet un vrai partage entre les générations.»

C’est aussi durant sa période squat qu’il découvre son autre passion, la musique, et plus précisément la basse électrique. Il en joue d’ailleurs encore aujourd’hui dans un groupe de jazz du bout du lac.

Passion ou métier? Les deux s’entremêlent

Après sa «matu», il a hésité: Beaux-Arts ou filière académique? Il a finalement opté pour la deuxième option et, après un bref passage en sciences sociales, pour l’archéologie. «Depuis, je ne me suis plus arrêté. Pendant ma thèse, c’était du quasi non-stop. C’est un domaine tellement infini qu’on n’a jamais envie de s’arrêter. Heureusement, j’ai pu compter sur l’indulgence de mes proches.»

Sa spécialité? L’âge du fer européen, soit la période qui s’étend de -800 au Ier siècle de notre ère. Ce qui l’a amené à occuper un poste de responsable à l’Office cantonal d’archéologie du Valais et d’enseignant à l’Université de Neuchâtel. Et maintenant celui de conservateur du musée romain.

L’amphithéâtre, un dossier prioritaire

L’extension de ce dernier sera l’un des gros projets sur lesquels il devra plancher: «La taille actuelle du musée ne nous permet pas de faire de grandes expositions temporaires, ni de disposer d’une espace de médiation. C’est pourtant essentiel si l’on veut mettre en place un véritable accompagnement.»

Enfin, il y a l’épineuse question de la valorisation de l’amphithéâtre. Jordan Anastassov n’a pas le pouvoir de faire avancer ce dossier. Il est entre les mains des politiques. Mais il s'y consacrera entièrement. «Pour moi, c’est une problématique prioritaire. Après vingt-cinq ans d’attente, il n’y a pas de raison que ce site ne s’ouvre pas au public. Je suis confiant!»

Nyon: il veut faire du Musée romain une institution vivante

Le successeur de Véronique Rey Vodoz, partie à la retraite, a repris les rênes du musée nyonnais début septembre. Il veut en faire une institution tournée vers les gens.