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Nyon: la Berge pour refaire surface

L’antenne nyonnaise du Graap, créée par et pour des personnes souffrant de troubles psy, fête ses vingt ans. Flash-back.

12 oct. 2019, 17:00
A La Berge, Stéphanie et Myriam apportent la dernière touche aux masques qu’elles porteront ce jeudi pour manifester à Genève.

Ce jeudi 10 octobre marque la Journée mondiale de la santé mentale. Ils iront donc manifester à Genève pour sensibiliser le public à la réalité des troubles psychiques. Ils seront coiffés d’un masque, symbole de la maladie mentale et de ses nombreux visages. Ces hommes et ces femmes de notre région, touchés dans leur santé mentale, ont tous trouvé refuge à La Berge, antenne nyonnaise du Groupe d’accueil et d’action psychiatrique (GRAAP). La Berge fête ses vingt ans cette année, vingt ans d’accueil, d’entraide et d’action en faveur des malades psychiques et de leurs proches.

Fédérer les malades

Le Graap, c’est quoi? C’est une Association qui voit le jour en 1987 à Lausanne sous l’impulsion d’une assistante sociale et d’un psychologue, lui-même atteint de schizophrénie. Leur but: fédérer les personnes souffrant de troubles psy et les amener à défendre, d’une seule voix, leurs droits et leur place dans la société.

Reconnue d’utilité publique, subventionnée par le canton et la Confédération, l’Association donne également naissance à une Fondation en 2012 disposant aujourd’hui de quatre antennes, à Nyon, Lausanne, Yverdon-les-bains et Vevey. Toutes fonctionnent en étroite collaboration avec les politiques, le corps médical et les malades, engagés dans chaque processus de décision.

L’antenne nyonnaise a donc vu le jour il y a vingt ans, à la rue de la Colombière. En 2005, elle déménage au dernier étage du centre Articom, à la route de Divonne, dans un local de quelque 200 m2, en open space, entièrement rénové en 2014.
Elle y propose de l’entraide sociale pour les malades et leurs proches, des ateliers coopératifs rémunérés (secrétariat, artisanat, cuisine) et ce qu’elle nomme de «l’animation citoyenne», soit des rencontres intra ou extra-muros destinées à créer des ponts entre les bénéficiaires de la structure –ils sont une trentaine– et le reste de la société.

Pas de profil type

Mais qui sont-ils? «Il n’y a pas de profil type», averti Jean-Max Mamin, chef du centre nyonnais depuis cinq ans. Hommes ou femmes, jeunes ou moins jeunes, universitaires ou titulaires d’un CFC, ils vivent en foyer, en appartement protégé ou avec leur famille et ont tous été frapés, un jour, par une maladie psychique.

Jean-Max Mamin, ébéniste de métier, la côtoie depuis une quinzaine d’années. Avant La Berge déjà, comme responsable d’un atelier bois sur mandats de l’Assurance invalidité (AI). Dans sa vie privée aussi, confronté aux effets dévastateurs du cannabis sur les adolescents. «La maladie psychique a de multiples aspects et peut être très sournoise, constate-t-il. Il y a des moments où on se sent mal, d’autres où on se stabilise et où on vit bien. Ce qui n’empêche parfois pas la maladie de ressurgir.»

Un monde plus exigeant

Les maladies psychiques fragilisent et isolent. Du monde professionnel d’abord. «Quand j’étais gosse, il y avait encore de la place pour les personnes souffrant de troubles psy, note Jean-Max Mamin. Les communes les employaient pour de petits travaux, comme du balayage par exemple. Aujourd’hui, les exigences de rentabilité sont telles qu’on ne veut plus prendre le risque d’engager une personne trop lente ou avec une capacité fluctuante. C’est dommage.»

La maladie mentale isole donc aussi du monde social, qui peine encore à intégrer la différence. «Quand les gens viennent visiter les ateliers, ils sont souvent surpris de ne pas voir des fous, remarque Jean-Max Mamin. Alors oui, les mentalités ont bien évolué en vingt ans, la détection est plus précoce, les malades sont mieux entendus, de nombreuses structures spécialisées ont vu le jour... Mais il reste encore du chemin à parcourir pour déstigmatiser ces personnes et les inclure dans le monde extérieur.»

Le regard des autres, dur à supporter

Une dépression. Un cancer. Et une vie qui s’écroule. Ariane, 59_ans, fait partie des trois membres fondateurs de l’antenne nyonnaise du Graap. Ils se rencontrent il y a vingt ans, à l’hôpital. La maladie vient de la frapper, sans prévenir. Main dans la main, ils ouvrent La Berge. Elle y trouve une écoute, du soutien et une forme d’activité professionnelle. Opératrice en horlogerie, elle aime travailler de ses mains. Elle commence par l’atelier de mise sous pli, dont elle est vite nommée responsable. Soutenue par le Graap, elle tente une réinsertion dans le monde professionnel «classique» mais se fait vite renvoyer. Sa santé, encore fragile, l’oblige parfois à s’absenter, trop souvent aux yeux de son employeur.

La pilule est dure à avaler. La Berge devient son refuge, sa bouffée d’oxygène. Elle s’y rend tous les jours, participe aux ateliers, aux activités créatrices, aux rencontres et aux cours. Elle y apprend à gérer ses émotions, à s’accepter, à reprendre confiance, se reconstruire. «Le jugement des autres est difficile à porter. Même si la dépression est mieux connue aujourd’hui, elle reste souvent mal comprise», confie la Saint-Cerguoise. A La Berge, dit-elle, elle se sent moins seule. Elle y (re) trouve une famille, qui la comprend et la pousse à donner le meilleur. «La maladie nous prend beaucoup mais elle nous donne aussi. Elle nous amène à développer d’autres qualités, d’écoute, d’entraide et d’empathie. On le comprend ici.»
 

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