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Genève: un laser pour changer la météo

L'idée sort d'un film de science-fiction. Des chercheurs genevois pensent pouvoir influencer la météo dans un futur proche grâce à des lasers. Faire pleuvoir les nuages, écarter la foudre, sont autant de rêves devenus proches de la réalité.

15 juil. 2013, 11:05
Faire dévier la foudre est un des objectifs de ces chercheurs.

Ils veulent détourner la foudre et faire pleuvoir les nuages: un groupe de chercheurs genevois tente d'influencer le temps avec des lasers. Ils viennent de réussir à multiplier en laboratoire des cristaux de glace dans des nuages et pourraient bientôt parvenir à produire des éclairs rectilignes.

Ces "faiseurs de temps" espèrent un jour pouvoir détourner les éclairs d'avions au décollage ou de bâtiments sensibles comme les centrales nucléaires, par exemple. "Nous en sommes certes encore loin mais nous espérons pouvoir dans le futur influencer la foudre et les nuages", a indiqué à l'ats Jérôme Kasparian, du Groupe de physique appliquée de l’Université de Genève (UNIGE).

Ce qui sonne comme de la science-fiction se rapproche du domaine du possible grâce à de nouveaux lasers femtosecondes, à impulsions ultrabrèves et ultrapuissantes. Ce sont des lasers qui émettent des impulsions lumineuses avec une énergie de l'ordre du térawatt (milliers de milliards de watts) durant des femtosecondes (millionièmes de milliardièmes de seconde). Il s'agit là des événements les plus courts pouvant être produits actuellement de manière artificielle.

Canal ionisé

Avec des confrères allemands et français, l'équipe de Jean-Pierre Wolf, du groupe de biophotonique dont fait partie M. Kasparian, a construit un tel laser, le "Téramobile", qui produit une énergie de cinq térawatts. Cette installation électronique et optique de neuf tonnes tient dans un conteneur de six mètres transportable facilement et donc utilisable en extérieur.

Dans l'atmosphère, le laser crée un phénomène fantomatique: les impulsions à haute énergie ionisent l'air - arrachant leurs électrons aux molécules d'air - et forment un canal de plasma conducteur. Ces "filaments" rectilignes peuvent monter jusqu'à plusieurs kilomètres dans le ciel.

Dans une "chambre à brouillard", les gaz ionisés peuvent faire condenser l'eau. L'inventeur de ce dispositif, le physicien écossais et Prix Nobel Charles Wilson, l'avait déjà découvert en 1896. Les scientifiques genevois ont donc pensé que le laser pourrait encore renforcer cet effet et produire de vrais nuages.

Et en effet, des essais en chambre à brouillard ont montré la formation de voiles nuageux visibles à l'oeil nu. Lors d'un test en plein air il y a quelques années au-dessus de Berlin avec le Téramobile, les chercheurs ont également pu mesurer de la condensation mais l'effet était trop faible pour faire véritablement pleuvoir.Effet inattendu

Des expériences plus récentes ont montré un autre effet, inattendu: dans une chambre à brouillard spéciale de l'Institut de technologie de Karlsruhe (D), capable de produire différents types de nuages, le laser a multiplié les cristaux de glace dans des cirrostratus d'un facteur 100. Ce qui est "étonnamment fort", comme l'ont rapporté les chercheurs dans la revue "Proceedings of the National Academy of Sciences" (PNAS).

Les nuages étaient ainsi trois fois plus lumineux. Or des nuages plus lumineux réfléchissent mieux le rayonnement UV responsable de l'effet de serre, le renvoyant dans l'espace. Selon M. Kasparian, on pourrait s'attendre de cette manière à "un effet de refroidissement net sur le climat".

Contrôler la foudre

En parallèle, les scientifiques poursuivent une autre idée: les filaments ionisés ne pourraient-ils pas guider la foudre? Les chercheurs sont effectivement parvenus avec le Téramobile a produire des décharges électriques qui ont suivi en ligne droite les filaments au lieu de faire du zig-zag comme un éclair normal. Mais "pour déclencher un véritable éclair dans un orage, notre laser n'est pas assez puissant", explique M. Kasparian.

Pas encore assez puissant: le physicien se dit en effet convaincu que des applications concrètes seront possibles dans le futur, par exemple "protéger des installations comme les aéroports ou les centrales nucléaires des effets secondaires de la foudre", soit les perturbations électromagnétiques susceptibles d'endommager des appareils électroniques par exemple.

La physicienne Ursula Keller, qui travaille également sur les lasers à impulsions ultrabrèves à l'EPFZ, est du même avis: "Compte tenu des progrès énormes réalisés ces dernières années dans la technologie des lasers, ce n'est qu'une question de temps jusqu'à ce que leur puissance soit suffisante pour obtenir de tels effets".

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