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Expatriés, déracinés, le sport leur offre un point d'ancrage

Bien présents, les anglophones combattent le dépaysement par la pratique sportive. Les clubs favorisent l'intégration, même si celle-ci reste une affaire de volonté.

22 avr. 2013, 06:45
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fsagesser@lacote.ch

Des cris d'enfants s'élèvent du terrain de sport. A Gingins, pe tite commune de 1200 habitants, le cricket investit les lieux. Comme chaque dimanche matin par beau temps. Uni formes, casques, battes, les jeu nes débarquent nombreux à l'entraînement. " La plupart viennent de la région, d'autres de Genève et certains même de France voisine ", explique Scott Poynton, le président du Gingins Cricket Club. Les coaches conseillent, corrigent et diri gent. Le tout en anglais. Avec une motivation: j ouer pour le plaisir et contre le mal du pays.

Le club, fondé en mars 2008, compte environ 80 enfants. Tous de souche anglophone, des enfants d'expatriés. Tout a débuté lors d'un barbecue chez Scott Poynton, un Australien arrivé sur La Côte en 2003. Les jeunes jouaient au cricket tandis que les parents se questionnaient: pourquoi n'était-il pas possible de pratiquer les mêmes activités que "chez nous"? Scott Poynton a donc décidé de créer un club. " On aurait pu continuer à jouer dans le jardin; mais en mettant sur pied une équipe - avec les uniformes, les entraînements, les règles -, les enfants et leurs parents se sentent faire partie d'un tout. Le club leur offre une structure ", souligne le président du Gingins Cricket Club, père de deux garçons.

 

Une valeur commune

 

Déroutante, la vie d'expatrié se veut un challenge, tant pour les adultes que pour les enfants, dont certains peuvent se retrouver fragilisés, voire même déprimés par les voyages. Déracinés et sans repères. Amener sa culture - en implantant son sport dans sa terre d'accueil - permet d e simplifier la transition; de surmonter des premiers mois pénibles. " Ainsi, on a l'impression de ne rien laisser derrière nous. "

A l'heure actuelle, près de 2% de la population vaudoise est de langue maternelle anglaise, selon les statistiques cantonales. Ce chiffre atteint presque 10% sur La Côte, bassin le plus peu plé par les anglophones en raison de la présence des multinationales. " Beaucoup viennent et repartent, le sport est un moyen d'ancrage pour cette communauté ", ob serve Yves Thézé, le directeur général du Collège du Léman, établisse ment internatio nal installé à Versoix qui ac cueille près de 2200 étudiants de 120 na tio nalités. Sur le campus, l'an glais prédomine, avec plus de deux tiers d'élèves anglophones . T out ce brassage hétéroclite se réunit grâce au sport. " Une va leur com mune à toutes les nations ", af firme le directeur.

 

Eviter de s'enclaver

 

" Dans un groupe, on noue directement une dizaine d'amitiés, en étant soudés derrière un but collectif ", raconte Iain Wise, joueur au Rugby Club de Nyon, autre bastion prisé par les anglophones. Aussi passé par une école internationale, ce Britannique a toujours parlé anglais à la maison. Le sport - tout d'abord le football, puis le rugby - a facilité son intégration. Travaillant au bout du lac , le joueur du Rugby Club de Nyon dresse un constat: " A Genève, il est facile de passer sa vie sans parler français ."

S'agit-il alors de véritable intégration lorsque les anglophones évoluent dans des environnements tels un collège international ou leur propre club de sport? Car le risque de s'enfermer dans une "bulle" existe. Ecossais établi depuis 38 ans dans la région, Michal Pasternak expose la problématique: " Nous ne devons pas couper nos racines car elles contribuent à la diversité; mais en les préservant, il faut faire attention à ne pas créer des ghettos anglophones ", souligne ce professeur de sport et de théâtre à l'école in ter nationale de La Châtaigneraie, désormais retraité, et ancien entraîneur de football dans un bon nombre de clubs de La Côte.

" Notre but n'est pas de rester enclavés ", as sure pour sa part Scott Poynton, sensible à cette inter rogation. Le Gingins Cricket Club a rejoint l'Association des sociétés sportives nyonnaises (ASSN) l'an passé. Et planche sur la traduction de son site internet, actuelle ment entièrement rédigé dans la langue de Shakespeare. " On veut vraiment élargir le cricket au plus grand nombre et aux francophones ", insiste-t-on à Gingins.

 

"Faire le premier effort"

 

Le processus demande un certain temps. Les Italiens, les Portugais et les Espagnols avaient, eux aussi, fondé leurs clubs - de football - lors de leur arrivée en Suisse. Alors exclusivement destinés à leur communauté propre, Italia Nyon (créé en 1962), Hermandad Nyon (en 1970) ou Lusitano Gland (en 1985) se sont progressivement ouverts. Si ces entités gardent une identité natio nale fortement marquée, des joueurs non-transalpins portent aujourd'hui, par exemple, les couleurs d'Italia Nyon.

Afin de ne pas se recroqueviller sur eux-mêmes, les anglopho nes ne se cantonnent pas au cricket ou au rugby. " On encourage également nos enfants à faire d'autres sports ", affirme Scott Poynton, dont un des fils a rejoint le club de football de Gingins. Pareille vision anime le Collège du Léman, qui collabore étroitement avec les sociétés sportives de Versoix. " Nous faisons en sorte de ne pas être un îlot étranger au sein de Versoix, mais partie prenante de la vie locale ", avance Yves Thézé, le directeur général.

L'intégra tion se fait donc dans les deux sens, interne et externe. " Cela reste cependant la responsabilité des anglophones de réaliser le premier effort vers les Suisses ", estime Michal Pasternak. Car la pratique sportive facilite l'acquisition de la langue puis de la culture. " Lors de mon arrivée, mon français était limité; je me suis obligé à le pratiquer à l'entraînement pour progresser ", témoigne Matthew, footballeur au Racing Club de Lausanne.

Offrir une entrée, un pont, se sentir connecté à sa région adoptive: la culture, les arts, la musique, le théâtre jouent également ce rôle. Mais tous s'accordent sur ce point: vecteur de valeurs, d'unité et d'émotions - " le ni veau des relations y est profond ", dixit Michal Pasternak -, le sport reste le meilleur moyen d'intégration dans un nouveau milieu. " Sur le ter rain tout est clair, car le langage y est universel ."

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