Même en n'étant pas au top de sa forme, Bolt plane sur le monde. L'homme a révélé une nouvelle facette de son talent à Moscou en gérant parfaitement sa semaine, avec application. Pour la première fois peut-être depuis les cinq ans qu'il domine le monde, il ne s'est pas présenté à une compétition majeure dans une condition qui lui aurait permis de battre les records du monde.
Qu'à cela ne tienne: le Jamaïcain, plus concentré que d'habitude, a fait le spectacle tout en réalisant des chronos remarquables. En finale du 4 x 100 m dimanche, il a encore pris une part décisive au succès de la Jamaïque (37''36), devant les Etats-Unis. Même sans Yohan Blake (blessé) ni Asafa Powell, les flèches en «jaune et vert» se montrent intraitables.
Bolt a cimenté un peu plus sa légende. Il trône désormais en tête des athlètes les plus titrés dans l'histoire des Mondiaux, avec huit sacres (sur 100, 200 et 4 x 100 m), tout comme Michael Johnson, Carl Lewis et Allyson Felix, mais avec davantage de médailles d'argent (deux). A cela s'ajoutent ses six titres olympiques. Sa seule défaite depuis 2008 dans une épreuve majeure reste celle sur le 100 m des Mondiaux 2011 à Daegu, où il avait été disqualifié pour faux départ.
A Moscou, Bolt avait déjà triomphé sur 100 m (9''77) le week-end précédent et sur 200 m samedi (19''66).
Il a visiblement pris grand plaisir dimanche à faire un nouveau pied de nez aux relayeurs américains aux côtés de ses camarades Nesta Carter, Kemar Bailey-Cole et Nickel Ashmeade. Il quittera Moscou sans record du monde, mais avec l'assurance qu'il peut dominer la planète quelques saisons encore.
«Mon but est de rester en bonne santé et de tenter un nouveau triplé aux JO de Rio» (en 2016), a-t-il souligné. «Mais je vieillis et je dois m'entraîner dur. Je ne peux plus me permettre de sortir et faire la fête autant qu'avant.»
La Russie dame le pion aux Etats-Unis
Dans un style différent, Shelly-Ann Fraser-Pryce s'est profilée comme la grande dame de ces joutes. La fusée de poche (1m52) a encore réalisé un dernier relais de feu pour emmener ses coéquipières jamaïcaines vers un nouveau sacre en 41''29, deuxième chrono de tous les temps. Les Etats-Unis finissent 2es (42''75) après la disqualification de la France.
Déjà sacrée sur 100 et 200 m, Fraser totalise trois couronnes cette semaine, qui s'ajoutent à ses deux titres des Mondiaux 2009. Elle est également double championne olympique.
La Jamaïque a ainsi réussi un carton plein sur le sprint à Moscou: six épreuves, six victoires! Cet exploit lui permet de rivaliser au tableau des médailles avec les Etats-Unis, qui doivent se contenter également de six titres. Une grande déception pour le pays de l'oncle Sam, nation historiquement dominatrice de l'athlétisme, seulement deuxième cette fois au tableau d'honneur derrière la Russie (sept titres).
Tamgho de retour
L'ultime journée a encore été marquée par le formidable retour au premier plan de Teddy Tamgho, qui a enfin apporté un titre à la France en gagnant le triple saut (18m04). Le Parisien n'avait plus disputé de compétition internationale depuis deux ans, après sa blessure à la malléole en 2011 et son altercation avec une jeune athlète française, qui lui avait valu six mois de suspension ferme.
La dernière journée fut kényane également avec le sacre - le deuxième d'affilée - d'Asbel Kiprop sur 1500 m (3'36''28) et celui de l'inattendue Eunice Sum sur 800 m (1'57''38).
A noter que, pour la quatrième fois dans l'histoire des joutes planétaires, aucun record du monde n'a été battu.