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Roger Federer, du réel à la fiction

Star du tennis, le Bâlois inspire bien plus que le monde sportif. Au théâtre ou en littérature, le champion prend une dimension romanesque.

19 févr. 2013, 00:01
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fsagesser@lacote.ch

Roger Federer est partout. Le joueur est devenu une légende, un mythe, une icône; l'homme un modèle. Le sportif bâlois fascine, intrigue, in fluence, rassem ble, émerveille. " Les grandes stars sont celles qui font des gestes, des choses qui vous sautent à l'oeil à n'importe quel moment, même un simple mouvement dans leurs yeux ", disait Andy Warhol. Même absent, Roger Federer reste présent. Une ombre qui plane, si lencieuse. Lors de la dernière rencontre de Coupe Davis, Stanislas Wawrinka a passé la moitié de son temps devant les médias à répondre aux ques tions concer nant Federer. Jusqu'à des inter ro gations d'ordre privé (" Vous a-t-il envoyé des messages?"; "Que vous a-t-il écrit? ").

Le phénomène Federer monopolise l'attention, comme si le champion appartenait à tous. Le héros des courts est aussi devenu héros tout court. Source d'inspiration et d'hom mage. Les spécialistes ont très vite planché sur le sujet, avec des ouvrages biogra phiques et techniques magni fiant son jeu.

Une échappée poétique

Le cinéma s'est intéressé au Suisse quand il gagnait pratiquement tout ("Federer et Moi", de Robin Harsch en 2006). La littérature contemporaine s'est, elle, penchée sur le phénomène dès ses défaites plus fréquentes, en 2008, et cette phrase du "Maître" - habitué et habituant au succès -, après son élimination en demi-finale de l'Open d'Aus tra lie: " J'ai créé un monstre ."

L'aveu a nourri l'imaginaire des auteurs en tout genre. Aux confins de la fiction et du réel, l'écri vain Arno Bertina s'est glissé alors dans la peau d'un journaliste sportif en quête d'une interview de "Rogeur Fédérère" ("Je suis une aventure"). " C'est la question de la grâce qui m'intéresse chez lui. Il allie la perfection technique avec une créativité incroyable ", con fiait l'auteur français lors de la publication de l'ouvrage l'an passé.

L'odyssée imaginée par Arno Bertina, suivant le champion à travers le monde, de tournoi en tournoi, explore une problématique: comment rester en mouvement quand tout le monde ne voit plus qu'une icône sportive, figée telle une statue. La grâce, cette "magie", peut-elle quitter l'athlète lorsque celui-ci rencontre des échecs répétés?

Singulier, poétique, le jeu de Roger Federer révèle une échappée. Il s'affranchit des carcans, des standards de puissance, offre une variation. Il amène le jeu plus loin. " Il n'invente pas de coups ni de gestes, mais un certain rapport du geste au mouvement ", avance le philosophe André Scala, dans son essai "Silences de Federer".

Pourtant, la figure de "RF", sans relief et antithéâtral, ne semblait pas destinée aux planches ni à la littérature, qui préfèrent les personnages à fêlures; des anti-héros en quête de rédemption. C'est cependant bien la classe, l'aura, l'esthétisme, le "classicisme" du Bâlois qui séduisent le monde des arts. " Malgré ce côté lisse, il a cette abnégation. Etre au sommet possède ce côté vertigineux ", re lève Bas tien Semenzato, acteur et co-scéna riste de la pièce "In Love with Federer", actuellement à Genève, avec son compère De nis Maillefer.

Expérience mystique

Dans leur création, les deux comédiens amateurs de sport ne "jouent" pas Federer. " Nous décrivons "notre" Roger et l'utilisons comme prétexte pour parler du beau geste, de sa nécessité, et bien sûr de nous ." Federer, reflet d'une époque et miroir des passions? Le spectacle se bâtit tel un chant, une ode dédiée au B âlois. " Malgré la machine médiatique l'entourant, il continue à jouer au tennis pour la beauté du jeu. Il est classique, presque ro mantique dans sa façon d'aborder son sport ", ad mire Bastien Se menzato.

Le Genevois n'a ja mais vu un match de Federer en vrai. " Nous en avons eu l'occasion mais ne voulions pas le faire du rant la mise sur pied de la pièce afin de garder cette notion de rêve et de fantasme. " Assister à une partie du "Maître" découle d'une expérience quasi mystique, comme le décrit l'écri vain américain David Foster Wallace dans son article "Roger Federer, as a religious expe rience". " Ses matches ressemblent à des poésies, des oeuvres d'art. Federer est là mais aussi ailleurs. Il y a quelque chose de tragique dans cette solitude d'être le meilleur ", ajoute Bastien Semenza to. Si l'homme de théâtre a créé cette pièce avec Denis Maillefer, c'est également pour rencontrer Roger Federer. " Nous essayons d'attirer son attention via certains contacts, mais nous ne nous fai sons pas beaucoup d'illusions ."

L'icône Federer, presque érigé en dieu-vivant, revêt une part d'inaccessible. Universel, l'athlète reste pourtant proche des gens par le souvenir commun. " Sur le court, on a l'impression de le comprendre. Il pleure et tombe souvent à genoux après ses victoires; il dégage une émotion très puissante qui nous parle, quelque chose de mystérieux et très personnel ."

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