" J'aime le tennis plus que tout, mais pas ce que ce sport m'a rendu ces dernières années. " En novembre, après s'être fait opérer d'une hernie inguinale et fémorale - à droite et à gauche -, Stéphane Bohli a décidé de tourner la page. Dire "stop" au lieu de marcher contre un mur. Le joueur de Commugny (30 ans), qui traînait son spleen au-delà du 450 e rang mondial, bien loin de son meilleur classement (ATP 113, en octobre 2010), a donc mis un terme à sa carrière. Mais il ne range pas la raquette pour autant, puisque ce lundi, il entame sa nouvelle vie. Celle d'un coach assistant au sein de Swiss Tennis, au centre national à Bienne.
Si Stéphane Bohli s'est montré discret sur sa décision, c'est parce qu'il n'est jamais évident de se résoudre à changer de quoti dien, surtout lorsque celui-ci vous a guidé depuis plus de deux décennies. " Cela a été douloureux. Sur le moment, tant de souvenirs sont remontés à la surface: toute mon enfance, ces heures passées au mur à taper la balle et à se faire engueu ler par les parents parce que les de voirs n'étaient pas faits ."
Redonner un sens à sa vie
Sa voix est cependant celle d'un homme apaisé. " Cette vie m'a toujours fait vachement plaisir, mais je souffrais trop intérieurement ces trois dernières années. Je ne jouais que quatre mois par an, et j'étais blessé les huit autres. Cela m'a em pêché de remonter au classe ment ." A cet âge-là, difficile de consentir et se motiver à repasser inlas sablement par la case "Futu res", alors qu'on a gagné trois Challengers, joué à Gstaad et Bâle, et représenté la Suisse en Coupe Davis. " J'avais l'impression de ne pas être à ma place. Mentalement, ça te tue. J'ai eu besoin de redon ner un sens à ma vie. "
Au coeur de l'été 2013, l'idée de la retraite sportive s'est faite in sis tante dans son esprit. Son coach , Anthony Dupuis, l'a poussé à ter miner l'année. Puis, au cours d'un dîner avec son entraîneur et le coach national, Stéphane Bohli a exposé l'idée de travailler avec la "fédé". Les retours positifs finiront par le convaincre. " Dès lors, et bien que je n'aie eu encore au cune confirmation de Swiss Tennis, j'imaginais déjà tout ce que je pourrais apporter. Redonner ce que j'ai ap pris, travailler avec les jeunes de 12-16 ans, je me réjouis beaucoup. "
Un poids énorme en moins
Son nouveau job lui permettra d'avoir le luxe de choisir quand partir en vacances. Voir du pays, différemment. Sans pression. Il rentre d'ailleurs d'un trek effec tué à l'autre bout du monde (" pour vivre une expérience à l'opposé de tout ce que j'ai vécu "). Trois mois après avoir refermé le livre de son aventure de joueur profes sionnel, aucun regret. Les dou tes ont laissé place au soulagement. " J'ai l'impression d'avoir un poids énorme en moins. Depuis gamin, j'arrivais rarement à bien dormir, en raison de la pression ou de l'ex citation. Quand je finissais tard, impossible de trouver le sommeil, je devais prendre des cachetons (sic!) , c'était un problème. Depuis trois mois, je dors comme un bébé! "
Sa carrière - faite d'étapes - a oscillé entre hauts et bas. " Il y a eu plus de mauvais que de bons moments, mais ces derniers valaient la peine ." Stéphane Bohli aura ainsi rencontré les joies d'être couronné champion du monde juniors à 14 ans. Son succès à l'Orange Bowl ne facilita pas la transition chez les adultes, au contraire. Il connut aussi l'ivresse de la Coupe Davis (avec une vic toire sur Mirnyi, en Biélorussie, l'un de ses plus beaux souvenirs). Il s'est sorti d'une dépression, à 24 ans, consécutive à la fin d'une collaboration avec un coach. Sans le sou, il put compter sur le sou tien de Roger Felix, un ami, puis grimpa jusqu'à son meilleur classement sous la houlette d'Olivier Bourquin, avec qui il s'est qualifié pour l'US Open. " Je crois que pour un gars du top 100, ma carrière est respectable. Même à mon classement, ce fut un chemin de vie super-intéressant. " Un chemin qu'il va dès aujourd'hui partager avec la future génération.