Alors que les médias révèlent chaque jour de nouveaux éléments dans l’affaire Crypto, les partis bourgeois ont appelé ce week-end à la retenue. Il faut d’abord attendre les conclusions des enquêtes en cours avant d’aller plus loin.
«Nous ne vivons pas de crise étatique pour le moment», a indiqué samedi la présidente du groupe parlementaire des vert’libéraux Tiana Angelina Moser sur les ondes de la radio alémanique SRF. Les institutions suisses fonctionnent. Elles doivent maintenant faire en sorte que l’affaire soit examinée en détail.
«Expédier le dossier serait une faute», a poursuivi la Zurichoise. Les commissions de gestion du Parlement sont déjà en train d’enquêter sur le sujet. Mme Moser dit leur faire confiance.
Même son de cloche du côté du PDC. Il ne faut pas brûler les étapes, a affirmé son président Gerhard Pfister (ZG) à Forum sur la RTS. Il sera assez tôt, une fois les enquêtes du gouvernement et des commissions de gestion bouclées, de discuter de la nécessité de créer une Commission d’enquête parlementaire (CEP), l’instrument le plus fort du Parlement, comme le réclame le PS.
Pas de «clan PLR»
Le PLR n’est pas non plus contre la mise sur pied une CEP. Mais il faut d’abord attendre les conclusions des commissions de gestion, a également indiqué dimanche le chef de la communication du parti Martin Stucki à Keystone-ATS.
Réagissant aux nouvelles révélations de la presse ce week-end, il a réfuté l’existence d’un «clan PLR». Trois départements au minimum sont concernés sur cinquante ans, à savoir ceux de la défense, de justice et police ainsi que des affaires étrangères. Bien d’autres personnes ont été impliquées, a-t-il avancé.
De nombreux journaux se sont concentrés ce week-end sur le rôle de plusieurs membres du PLR dans cette affaire d’espionnage. Les ex-parlementaires zougois Georg Stucky ou encore Rolf Schweiger sont notamment sous les feux des projecteurs. Selon les médias, ils étaient inévitablement au courant de l’identité des véritables propriétaires de l’entreprise de par leur fonction au conseil d’administration de Crypto.
Villiger dément toute connaissance
Mais c’est surtout le rôle de l’ex-ministre de la défense Kaspar Villiger qui interpelle. Selon les titres du groupe Tamedia, une note confidentielle interne au Conseil fédéral l’impliquerait. Il s’agirait d’un document de prise de position signé par Viola Amherd et envoyé à ses collègues du gouvernement le 17 décembre 2019.
L’actuelle cheffe du Département de la défense (DDPS) y relaterait une discussion avec le directeur du Service de renseignement de la Confédération. Jean-Philippe Gaudin lui aurait indiqué avoir trouvé des documents d’archives indiquant que Kaspar Villiger «était informé». Aucun détail sur la nature et le contenu des éléments découverts n’est cependant donné.
Le DDPS ne fait aucun commentaire sur la fuite de documents confidentiels. Quant à l’ancien conseiller fédéral, il a réitéré son ignorance des faits dans une prise de position transmise samedi à Keystone-ATS. «Je n’étais au courant ni de l’opération, ni du rôle de la CIA ou celui du service de renseignement allemand (BND), ni des manipulations de Crypto AG. Aurais-je reçu ces informations, je ne les aurais pas cachées. J’aurais averti le Conseil fédéral.»
L’ex-juge Oberholzer planche sur l’affaire
Tout ce qu’il sait de l’affaire Crypto, il le sait grâce à l’émission Rundschau de la télévision alémanique, a encore insisté le Lucernois. Cette dernière a révélé que la CIA et le BND auraient, durant des dizaines d’années, intercepté des milliers de documents de plus de 100 pays via les appareils de chiffrement de l’entreprise zougoise Crypto.
Le Conseil fédéral a ouvert une enquête mi-janvier pour faire la lumière sur cette affaire et l’a confié à Niklaus Oberholzer. L’ancien juge fédéral a indiqué dimanche au Matin Dimanche et à la SonntagsZeitung avoir déjà commencé le travail et avoir libre accès aux documents d’archives secrets.
«La situation est bien meilleure aujourd’hui» que dans les années 90, a commenté M. Oberholzer. La police fédérale avait alors déjà enquêté sans succès sur l’entreprise. L’ancien juge a toutefois précisé que sa mission ne consiste qu’à «reconstituer soigneusement les faits». L’évaluation de ceux-ci sera faite par le gouvernement ou le Parlement.