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"L'or rassure, mais ne sert à rien" estime Sergio Rossi

Selon un sondage de gfs.bern, 44% des Suisses sont prêts à dire oui à l'initiative sur l'or, en votation populaire le 30 novembre. Pour Sergio Rossi, titulaire de la chaire de macroéconomie monétaire à l'Université de Fribourg "le métal jaune rassure, mais ne sert à rien".

09 nov. 2014, 10:00
"Parler d'argent ou d'or provoque des réactions épidermiques ou irrationnelles", explique Sergio Rossi, titulaire de la chaire de macroéconomie et d'économie monétaire à l'Université de Fribourg.

Les billets de banque des Helvètes ne s'échangent plus automatiquement contre de l'or depuis 1954, même si les Suisses peuvent toujours en acheter comme n'importe quel autre bien. Pourtant, les vieux réflexes ont la vie dure.

Fin octobre, le traditionnel sondage réalisé par gfs.bern révélait que 44% des Suisses sont prêts à dire oui à l'initiative sur l'or, en votation populaire le 30 novembre prochain. "Parler d'argent ou d'or provoque des réactions épidermiques ou irrationnelles, basées sur l'importance que joue la richesse ou son absence dans la vie des individus", explique Sergio Rossi, titulaire de la chaire de macroéconomie et d'économie monétaire à l'Université de Fribourg.

"L'ignorance des mécanismes de l'économie vient encore compliquer le jeu", poursuit-il. Sans oublier que l'or joue un rôle certain dans l'imaginaire collectif helvétique.

Importante réserve en Suisse

Or, la Suisse recèle encore des quantités relativement importantes de ce précieux métal. Actuellement, la BNS détient 1040 tonnes, ce qui représente environ 7% des actifs de son bilan. A la fin des années 1990, les réserves d'or s'élevaient à 2590 tonnes.

Si l'initiative était acceptée, cela ne signifie pas que l'on réintroduirait l'étalon-or, en vigueur jusqu'à la Première Guerre mondiale sur toute la planète. A l'époque, la plupart des banques centrales devaient détenir des réserves de métal jaune couvrant une partie de la masse monétaire dans leur économie nationale: il leur fallait pouvoir convertir en or en tout temps leurs billets de banque, à un prix fixe.

Le système de changes fixes instauré après la Deuxième Guerre mondiale, avec les accords de Bretton Woods, faisait aussi référence à l'or. Le dollar américain était alors convertible en or à un prix fixe (35 dollars pour une once d'or) et les taux de change entre le dollar et les autres monnaies nationales devaient rester au sein d’une marge de fluctuation très étroite.

Rôle étalon de l'or perdu en 1971

Il faudra attendre le début des années 1970 pour voir la convertibilité en or du dollar abandonnée. L'or a perdu à ce moment-là son rôle d'étalon, qui aura duré pratiquement un siècle. C'est le président américain Nixon qui y a mis fin en 1971, suivie du passage au régime des changes flottants en 1973.

De son côté, la Suisse a suspendu dans les faits la convertibilité en or de ses billets de banque en 1954, a précisé le professeur Sergio Rossi. Elle a en revanche conservé dans la Loi fédérale sur la Banque nationale révisée en 1978 le principe d'une couverture-or de 40% minimum des billets en circulation.

Dans les années 1990, elle a réduit cette couverture à 25%, qu’elle a gardée pour des "raisons psychologiques, pour rassurer le public", car "en ce qui concerne l'émission monétaire, l'or ne sert à rien", a poursuivi le spécialiste. Et de rappeler que la BNS a le mandat d'assurer la stabilité des prix en tenant compte de l'évolution de la conjoncture.

La Suisse a coupé le cordon

Il n'existe toutefois aucun rapport entre la stabilité des prix et la part de l'or dans le bilan de la BNS. La Suisse a finalement coupé le cordon sur le plan légal le 1er janvier 2000 avec l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution fédérale.

Depuis cette date, 1550 tonnes d'or ont été vendues par étapes. Sur le produit de ces ventes, 21 milliards de francs ont été distribués, à hauteur de deux tiers aux cantons et d'un tiers à la Confédération. C'est d'ailleurs sur ce point que la BNS joue: elle met en garde les électeurs, car les dividendes versés aux cantons pourraient diminuer en cas d'acceptation du texte.

Pas d'amis, des intérêts

"Aucun pays n'applique actuellement le type de contraintes que préconise l'initiative", souligne encore Sergio Rossi. Le texte "Sauvez l'or de la Suisse" exige que la BNS stoppe ses ventes d'or, qu'elle ramène en Suisse tout le métal jaune stocké à l'étranger et qu'elle constitue des réserves d'or pour au moins 20% de ses actifs.

Le professeur retiendrait tout de même une des propositions du texte, celle de rapatrier les quelque 30% stockés à l’étranger (20% à la Banque d’Angleterre et 10% à la Banque du Canada): "par sécurité, étant donné que les pays n'ont pas d'amis, mais seulement des intérêts à défendre".

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