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«La violence domestique n’a pas de sexe»

Le National devrait adopter une convention que certains jugent sexiste.

02 juin 2017, 16:26
Mira Bartuschek als Una und Robert Hunger-Buehler als Raymond stehen auf der Buehne im Schauspielhaus Pfauen waehrend der Fotoprobe von "Blackbird" am Dienstag, 14. November 2006 in Zuerich. Das Stueck von David Harrower laeuft unter der Regie von Matthias Hartmann und feiert am Donnerstag, 16. November Premiere. (KEYSTONE/Alessandro Della Bella) SCHWEIZ THEATER BLACKBIRD

Prévenir, poursuivre pénalement et éliminer toute forme de violences à l’égard des femmes. Protéger les victimes. Bannir la discrimination féminine et promouvoir l’égalité des sexes. Le tout selon des normes communes à tous les pays européens. A priori, les objectifs de la Convention dite d’Istanbul*, majoritairement satisfaits par le droit suisse, sont à saluer.

Pourtant, certains l’accusent de péjorer la protection des hommes face à la violence conjugale. Deux associations ont pris position contre la ratification du texte. Ayant reçu l’aval de la Chambre haute en février, la convention n’attend plus que le feu vert du Conseil national qui se prononce aujourd’hui. Une formalité à en juger par le large soutien dont elle bénéficie, notamment au sein de la commission des affaires juridiques du National. Une minorité de droite s’y était bien opposée, mais plus parce qu’elle le voit comme un «carcan excessif et superflu» qu’en raison de son caractère potentiellement sexiste.

Aucun débat politique

«Ce dossier n’a suscité aucun débat politique et c’est dommage, car la Convention d’Istanbul ne fait que renforcer la croyance selon laquelle la violence domestique est uniquement exercée par les hommes sur les femmes. Or dans les pays comme le nôtre, cette violence n’a pas de sexe», déplore Patrick Robinson, porte-parole de la Coordination romande des organisations paternelles (CROP).

Selon l’Office fédéral de la statistique, 25% des personnes lésées dans le contexte conjugal sont des hommes. Un chiffre largement sous-estimé, affirme Patrick Robinson, puisqu’il ne reflète que les infractions connues de la police. «D’après les études anonymisées menées à l’international, la part serait plutôt de 50-50», explique le Neuchâtelois.

Mais ce qui choque particulièrement la CROP, c’est que la Convention d’Istanbul «est uniquement contraignante à l’égard de la violence envers les femmes», «alors qu’elle ne fait seulement qu’encourager son application à toutes les victimes de violences domestiques indépendamment de leur sexe». «Le droit suisse est bien fait car le concept de victime y est neutre. Pourquoi ratifier une convention inégalitaire?», questionne-t-il. Une opinion que partage l’association Donna2. «La Convention d’Istanbul risque de primer sur le droit suisse», craint Katherin Heitmann-Säuberli, coprésidente de l’association fondée par des femmes vivant avec un homme séparé ou divorcé.

«Lorsque des parents se disputent le droit de garde d’un enfant, la justice l’octroie plus facilement à la mère, malgré les changements dans la loi. Il arrive aussi que des mères accusent faussement leur ex-conjoint de maltraitance. Au-delà du tort fait au père, ce sont les enfants qui souffrent. Et la convention, qui renforce le stéréotype selon lequel la violence est le fait de l’homme, ne va pas dans le bon sens», ajoute Séverine Cesalli, pédopsychiatre et vice-présidente de Donna2.

Un droit suisse neutre

Spécialiste du droit de la famille, Christiana Fountoulakis observe une augmentation de ces fausses accusations pour lesquelles il n’existe aucun chiffre officiel: «C’est devenu une stratégie utilisée majoritairement par les mères, mais les pères y ont aussi recours.» La professeure en droit civil à l’Université de Fribourg ne voit en revanche pas en quoi la convention accentuerait cette tendance.

«En cas de doute, l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte est déjà obligée d’ouvrir une enquête», avance Christiana Fountoulakis. Quant à savoir si le texte introduirait une inégalité de genre, elle est catégorique: «La convention laisse la liberté aux pays contractants d’appliquer les mesures de protection aux hommes en plus des femmes. Il est possible que certains ne prévoient que des dispositions concernant les femmes, mais ce n’est pas le cas de la Suisse, dont le droit est neutre et égalitaire. Il n’y a pas de raison que cela change», assure-t-elle. Même son de cloche au Département fédéral de justice et police.

La conseillère nationale Lisa Mazzone (Verts, GE) entend les préoccupations des victimes masculines, mais estime que de s’en prendre à la Convention d’Istanbul n’est pas la solution. «Il faut agir au niveau de la prévention et des interventions policières», dit-elle. Pour la Verte, le texte ne nie pas la violence faite aux hommes, mais prend en compte la réalité selon laquelle ce sont les femmes qui sont majoritairement victimes de violences conjugales. «C’est à la fois un signal international pour des pays comme la Turquie, où les droits des femmes ont reculé, et pour la Suisse qui doit harmoniser ses pratiques de prise en charge des victimes. La seule nouveauté est la mise en place d’une offre de conseils téléphoniques, dont profiteront aussi les hommes.»

* En forme longue: Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.

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