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Le vote sur l'appartenance cantonale de Moutier est annulé

Le Tribunal administratif du canton de Berne confirme l'invalidation du vote du 18 juin 2017 à Moutier (BE) pour cause d'irrégularités. Les responsables autonomistes dénoncent une décision politique.

29 août 2019, 08:23
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Pour le Tribunal administratif bernois, le vote de Moutier (BE) sur son transfert dans le canton du Jura a bien été entaché d'irrégularités. Il a rejeté les recours contestant l'invalidation du vote du 18 juin 2017 par la préfète du Jura bernois.

Le Tribunal administratif bernois fait état "de graves violations du droit" de la part des autorités autonomistes prévôtoises. La commune de Moutier, en sa qualité d'organisatrice du vote, "ne pouvait prendre position dans le débat avec la même liberté que les autres intervenants", écrit jeudi le Tribunal administratif dans son communiqué.

Parmi les faits reprochés, les juges bernois mentionnent un éditorial du maire autonomiste Marcel Winistoerfer dans le journal Moutier.ch et une lettre adressée à des parents d'élèves. Le refus de la commune de fournir la liste électorale à la Chancellerie d'Etat du canton de Berne et à l'Office fédéral de la justice est aussi stigmatisé.

Ce que dit le jugement

Dans son jugement de 102 pages, le Tribunal administratif a également estimé que l'extension des possibilités de vote par correspondance, proposée par la commune de Moutier "au-delà de ce que la réglementation de l'organisation de la votation prévoyait", contrevenait au droit.

Le Tribunal administratif conclut en affirmant que "ces violations du droit étaient en outre, chacune ou dans leur ensemble, de nature à influencer le résultat du vote", à l'issue duquel les citoyens prévôtois avaient décidé par 51,72% (137 voix d'écart) de rejoindre le canton du Jura.

Dans son arrêt rendu public le 5 novembre 2018, la préfète du Jura Bernois Stéphanie Niederhauser affirmait déjà que le scrutin du 18 juin 2017 avait été entaché d’irrégularités. Elle mentionnait entre autres une propagande jugée "non admissible" de la part des autorités autonomistes de Moutier, en particulier de son maire Marcel Winistoerfer.

Plusieurs recours avaient ensuite été déposés contre la décision de la préfète. Ceux-ci émanaient de la municipalité de Moutier, de "Moutier ville jurassienne" ou encore de personnes à titre individuel. Ces recours ont été rejetés jeudi matin.

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Ce qu’ils en disent

Plusieurs acteurs ont pris la parole, dénonçant «une décision politique». "On enterre la démocratie", a ainsi estimé le conseiller municipal prévôtois et militant autonomiste Valentin Zuber. "On se sent insultés, méprisés", a-t-il ajouté. "On s'attendait que des Bernois nous fassent des bernoiseries", a-t-il déclaré devant les locaux du MAJ. Pour Valentin Zuber, la justice bernoise a manqué un rendez-vous avec l'histoire.

Membre du comité «Moutier ville jurassienne», Valentin Zuber a rappelé que depuis 30 ans les autorités à Moutier sont largement autonomistes. Il a souligné que le Tribunal administratif bernois avait suivi les arguments "farfelus" de la préfète du Jura bernois.

"Le canton de Berne est prêt à tout pour conserver son territoire", a lancé le secrétaire général du Mouvement autonomiste jurassien (MAJ) Pierre-André Comte en appelant les militants autonomistes jurassiens à la "révolte". "Le brigandage politique bernois ne passera pas", a-t-il ajouté.

"La justice bernoise a tranché, ici c'est Berne", a-t-il laché, dénonçant ce qu'il estime être un coup de force bernois. Pour le MAJ comme pour le comité "Moutier ville jurassienne", ce jugement va à l'encontre de la démocratie et bafoue la volonté d'une majorité de Prévôtois.

Directeur de campagne du mouvement "Moutier ville jurassienne", Laurent Coste a lui aussi dénoncé un jugement qu'il qualifie de politique. "Le Tribunal administratif bernois aurait pu valider le vote et cela aurait permis à Moutier aller de l'avant".

Les militants autonomistes estiment que la justice bernoise n'est pas indépendante. Ils placent donc beaucoup d'espoir dans une éventuelle décision du TF. Mais pour le moment aucune décision n'a encore été prise pour porter le dossier à l'instance supérieure. Certains militants estiment toutefois qu'il faut revoter le plus rapidement possible sachant que la procédure au TF peut se révéler longue.

De son côté, le Gouvernement jurassien dit regretter le verdict. «Il s’agit désormais d’analyser plus en détail les considérants du jugement et les conséquences qui en découlent», écrit-il dans un communiqué et rappelant au passage les mesures prises lors du vote, les engagements pris lors de la tripartite du 21 novembre 2018 et son soutien aux partisans d’un rattachement de Moutier au Jura.

La Confédération a "pris acte" du jugement du Tribunal administratif bernois au sujet de l'invalidation du vote de Moutier du 18 juin 2017. Elle a réaffirmé sa position, à savoir qu'elle s'impliquerait si un nouveau vote devait finalement se tenir.

"La position de la Conférence tripartite est claire et n'a pas changé. Si le vote devait finalement être annulé, un autre serait organisé", a expliqué jeudi Jean-Christophe Geiser, responsable du dossier à l'Office fédéral de la justice, contacté par Keystone-ATS.

Il est toutefois encore trop tôt pour se prononcer sur les modalités d'un nouveau vote, sachant qu'un recours est encore possible devant le Tribunal fédéral, a-t-il ajouté. "L'organisation de ce nouveau vote serait discutée dans le cadre de la tripartite", a-t-il précisé.

Pour sa part, le comité Moutier-Prévôté a sablé le champagne pour célébrer la décision. "Nous levons nos verres à la victoire", a lancé Patrick Roethlisberger, membre du mouvement antiséparatiste.

Mais le ton est rapidement devenu plus combatif avec l'appel à la démission des autorités communales. "La confiance est rompue, comment peut-on avoir confiance en ces personnes", a déclaré Morena Pozner, membre de mouvement antiséparatiste, en évoquant des irrégularités liées au vote sur l'appartenance cantonale.

Selon Moutier-Prévôté, il est "exclu que les auteurs de ce fiasco assument une quelconque responsabilité dans l'avenir de la ville." Les antiséparatistes s'en prennent tout particulièrement au maire autonomiste Marcel Winistoerfer, accusé d'avoir "trahi la confiance du peuple."

Et maintenant?

Reste désormais à savoir si les autonomistes vont saisir le Tribunal fédéral (TF) pour obtenir gain de cause, comme ils l'avaient laissé entendre avant même de connaître la décision du Tribunal administratif. La procédure risque donc de se prolonger et il est possible qu'il faille attendre des mois avant que la validité du résultat de la votation soit confirmée ou infirmée.

Deux scénarios sont envisageables pour clore la procédure si elle se poursuit au TF: les recours déposés par les antiséparatistes auprès de la préfecture du Jura bernois contre le vote du 18 juin sont rejetés par le TF et le résultat entre en force. Ou la votation est définitivement annulée et la décision populaire est caduque.

Si ce dernier scénario venait à se réaliser, le gouvernement bernois ne s'opposerait pas à un nouveau vote, comme il l'a souligné dans une réponse à une motion publiée en février dernier. Il part de l'idée qu'une répétition de la votation sera "nécessaire" en cas d'annulation définitive de celle du 18 juin 2017.

Désavoués par la justice bernoise, les partisans en faveur du départ de Moutier pour le canton du Jura pourraient aussi renoncer à porter le dossier auprès du Tribunal fédéral par gain de temps. La décision d'invalider le résultat deviendrait définitive et exécutoire. Plus rien ne s'opposerait alors à un nouveau vote.

La votation de la commune de Moutier sur son appartenance cantonale est en première ligne une affaire communale. Même si le canton de Berne a une certaine coresponsabilité dans l'organisation du scrutin, le Conseil-exécutif ne pourra pas de sa seule compétence déterminer la date d'une éventuelle répétition du scrutin.

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