«Du lait maternel est vendu sur les réseaux sociaux à des prix qui peuvent atteindre parfois 200 francs pour 100 ml, soit même pas un biberon, avec tous les risques que cela comporte. La prise de conscience de cette réalité m’a poussée à intervenir pour faciliter l’accès à un lait naturel sûr». La députée genevoise du Centre Delphine Bachmann a soumis une motion visant à la création d’une banque de lait.

L’idée, acceptée récemment à l’unanimité, doit faire l’objet d’une collaboration entre les Hôpitaux universitaires genevois (HUG) et le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) qui prévoyait de mettre en place une telle banque en 2022. Une première pour la Romandie qui ne compte encore aucun lactarium. La Suisse alémanique en compte sept.

Du lait maternel est vendu sur les réseaux sociaux à des prix qui peuvent atteindre parfois 200 francs pour 100 ml.

Delphine Bachmann, députée genevoise du Centre

L’initiative vise d’abord les grands prématurés. Il y a aujourd’hui un consensus pour préconiser l’utilisation du lait de donneuse dans cette population. Le lait maternel de la maman est la nourriture la plus adaptée pour l’enfant, mais lorsque celui-ci est prématuré, il peut être plus compliqué de stimuler la production de lait.

«Dans ces cas, le lait maternel poolé pasteurisé – soit le lait d’autres femmes qu’elles produisent en surplus et décident de donner – est une solution intéressante. En effet, ses propriétés permettent de limiter les risques pour ces enfants de développer des problèmes du tube digestif (entérocolite nécrosante), plus qu’avec du lait de synthèse», relève Riccardo Pfister, médecin adjoint au Service de néonatologie des HUG.

Les propriétés de ce lait permettent de limiter les risques pour ces enfants de développer des problèmes du tube digestif.

Riccardo Pfister, médecin adjoint au Service de néonatologie des HUG

Quelque 25 000 enfants naissent chaque année en Suisse romande. Sur ce total, quelque 1500 enfants pourraient bénéficier directement de cette opération. Selon le rapport de la commission de la santé chargée d’étudier la proposition, le service de néonatalogie des HUG accueille 500 nouveau-nés malades par an, dont deux tiers sont des prématurés ou des grands prématurés.

Au CHUV, la néonatologue Céline Fischer Fumeaux indique que près de 900 nouveau-nés sont hospitalisés chaque année, dont au moins un quart pourrait bénéficier du lait de donneuse. Elle estime qu’il faudrait 300 litres de lait de donneuse pour couvrir les besoins des 900 patients hospitalisés chaque année au CHUV.

«Cette collaboration offrira aux HUG une solution locale et pérenne. Jusqu’ici, nous nous fournissions en France. En effet, la Suisse alémanique ne disposant pas de suffisamment de lait maternel pasteurisé congelé, Genève importe du lait de Bordeaux», indique Riccardo Pfister. Et de préciser que le coût d’un litre de lait maternel importé correspond à près de 150 à 200 francs si l’on inclut les coûts de maintien de la chaîne du froid.

Coût élevé

Le rapport auquel il a participé estime que l’investissement total lié à une telle banque représentera 500 000 francs suisses par année en personnel et en consommables permettant de réaliser tous les contrôles nécessaires du point de vue de l’infectiologie. A cela doivent aussi s’ajouter quelques centaines de francs pour acquérir les équipements et aménager des locaux. «C’est un investissement qui fait sens pour autant que nous mutualisions nos ressources», estime le médecin.

Le prix d’une banque de lait est relativement élevé car un certain nombre d’analyses doivent être menées auprès des femmes volontaires qui ont un surplus de lait et désirent le donner. Notamment une sérologie de l’hépatite, de l’HIV ou encore du cytomégalovirus. Par ailleurs, une fois pasteurisé, le lait s’infecte plus facilement avec des bactéries. Ainsi, son conditionnement doit être extrêmement précis avec des contrôles bactériologiques fréquents.

Ce lait ne doit en aucun cas servir à des mamans qui n’auraient pas envie d’allaiter.

Riccardo Pfister, médecin adjoint au Service de néonatologie des HUG

«L’avantage est que le lait en question est sûr et maîtrisé. C’est un luxe de pouvoir se permettre une banque de lait pasteurisé pour ces grands prématurés. Mais c’est une cible très précise qui doit en bénéficier. Il ne doit en aucun cas servir à des mamans qui n’auraient pas envie d’allaiter», juge Riccardo Pfister. Par ailleurs il souligne que cet investissement ne doit pas se faire au détriment du soutien offert aux mères qui ont des difficultés à allaiter mais qui peuvent le faire avec un conseil et une aide adéquats de spécialistes compétents.

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