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Suppression de l'enregistrement de la durée de travail: syndicats et monde médical unis contre le travail "gratis"

L'USS, Travail.Suisse et le monde médical montent au créneau contre deux initiatives parlementaires qui visent à supprimer l'enregistrement de la durée de travail dans certains secteurs. Ce serait la porte ouverte à "des semaines très longues avec du travail de nuit et du dimanche".

02 mai 2017, 10:49
/ Màj. le 02 mai 2017 à 11:00
Pour les syndicats, le contrôle de la durée de travail est un instrument contre le surmenage qui permet d'établir le volume de travail fourni en plus et sa rémunération équitable.

Supprimer l'enregistrement de la durée de travail dans certains secteurs reviendrait à en exploiter gratuitement ou à en épuiser les salariés, martèlent l'USS et Travail.Suisse. Les syndicats et des représentants du monde médical s'unissent contre cette flexibilisation "radicale et unilatérale" qui menace.

L'Union syndicale suisse (USS) et Travail.Suisse ont présenté mardi devant les médias à Berne cette nouvelle "Alliance contre l'épuisement professionnel et le travail gratis". Elle vise directement à combattre "l'attaque massive" au Parlement des conseillers aux Etats Konrad Graber (PDC/LU) et Karin Keller-Sutter (PLR/SG), a souligné Paul Rechsteiner, président de l'USS.

Les deux élus veulent, à travers leurs initiatives parlementaires, supprimer pour une part importante des salariés l'enregistrement de la durée de travail et les limites données à celle-ci, a assuré le socialiste saint-gallois, leur homologue au Conseil des Etats. Or "les syndicats veulent faire savoir qu'ils combattront cette politique antisociale par tous les moyens, y compris le référendum".

Les deux textes ont été plébiscités par la droite majoritaire au sein de la commission du Conseil des Etats, qui pourra rédiger un projet concret. Celui de Mme Keller-Sutter veut libérer les salariés exerçant une fonction dirigeante et les spécialistes occupant une fonction similaire de l'obligation de saisir leur temps de travail.

Le texte de M. Graber réclame lui, pour ces catégories de personnel, une flexibilité en matière de durée du travail hebdomadaire et de temps de repos. Certaines branches pourraient, sous conditions, ne plus être obligées de respecter une durée de travail hebdomadaire. La porte ouverte à de longues semaines avec du travail de nuit et du dimanche, a résumé Adrian Wüthrich, président de Travail.Suisse.

2,8 milliards par an

Les deux élus affirment cibler dans leurs textes des cadres et "spécialistes", mais ces termes ne sont pas définis dans la loi, ont fait valoir les membres de la nouvelle alliance. Selon eux, plus d'un tiers des salariés sont menacés. "Si par 'spécialistes' on entend des titulaires d'un diplôme du degré tertiaire, il s'agit de 40% des travailleurs entre 25 et 64 ans", selon M. Rechsteiner.

D'après les calculs du syndicat Syna, l'initiative Keller-Sutter résulterait pour les salariés exerçant un poste de dirigeant et ces "spécialistes" en un travail gratuit équivalent à 2,8 milliards de francs par an, a dit le président de Syna Arno Kerst. Ce qui priverait l'AVS de 250 millions de francs de contributions salariales. Un total de 385 millions serait soustrait aux assurances sociales chaque année.

Et M. Kerst de rappeler que la saisie du temps de travail est "un jeu d'enfants aujourd'hui, y compris pour un poste très flexible et mobile", grâce aux applications pour smartphones. Au lieu de la supprimer, les syndicats demandent même de renforcer les contrôles, tout comme la réglementation du temps de travail et de la protection de la santé dans les CCT, a pointé Vania Alleva, présidente d'Unia.

"Pas une vieillerie"

Ce dernier point mobilise tout particulièrement le monde médical. La Société suisse de médecine du travail (SSMT) combat elle aussi ce qu'elle voit comme la promesse de l'épuisement professionnel et de l'auto-exploitation. "Nous constatons déjà une hausse des troubles anxieux, des dépressions et des burnouts", a assuré sa déléguée Brigitta Danuser, avouant toutefois ne pas avoir de chiffres.

Le contrôle de la durée de travail n'est donc pas "une vieillerie obsolète", mais "un instrument contre le surmenage", ont clamé les membres de la nouvelle alliance. Mme Alleva a relevé que les demandes sur la hotline "Service Temps de travail" d'Unia, indicateur fiable des préoccupations professionnelles selon elle, traduisent déjà une hausse constante de la pression sur les salariés.

Les syndicats n'ont jamais été fermés à une modernisation de la loi, a encore rappelé M. Rechsteiner, pointant les ordonnances visant à simplifier la saisie de la durée du travail, entrées en vigueur début 2016. "Ces attaques frontales arrivent au Parlement avant même qu'une évaluation sérieuse des nouvelles règles ait été faite", a-t-il déploré. Un tel examen devrait avoir lieu l'an prochain.

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